Echo du pèlerinage des pères de famille — Pèlerinages

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Echo du pèlerinage des pères de famille

Retrouvez l'homélie du dimanche 2 juillet 2023, de Mgr Hervé Giraud, au pèlerinage des pères de famille à Vézelay.

           Chers amis, vous venez de terminer une des nombreuses marches des pères de famille en France. Vous êtes là, “tels quels”, fatigués ou non, heureux ou soucieux. Saint Paul écrit dans sa lettre aux Colossiens qu’il faut que “votre marche soit digne du Seigneur et capable de lui plaire en toute chose” (Col 1, 10). Le meilleur synode c’est souvent une marche réelle, poussiéreuse, à l’image d’où nous venons et où nous retournerons. Notre marche à tous doit être une marche digne du Seigneur.

            Marcher, c’est d’abord décider d’aller marcher, prendre le temps de marcher, de faire simplement un pas après l’autre. Inutile de courir, on ne verrait pas le paysage. Marcher, c’est apprendre à avancer lentement, comme une tortue qui arrivera la première au but.
            Marcher, c’est se laisser surprendre par une rencontre, un orage extérieur ou intérieur, c’est accepter un détour, un paysage, un point de vue, une éclaircie. Marcher, c’est aussi transpirer et souvent apprendre à choisir à différents carrefours de la vie.
            Marcher, c’est apprendre la patience, se vider la tête mais aussi parfois penser. C’est dialoguer, en soi-même ou avec d’autres. C’est aussi parler à Dieu, le prier ou lui rendre grâce.
            Marcher, c’est donc laisser l’Esprit nous inspirer comme on respire. C’est trouver un rythme de respiration qui permette la prière du pèlerin : “Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi pécheur”. Car, marcher, c’est chercher Celui qui nous devance parfois, qui nous pousse ou nous retient, nous récupère et nous encourage. Le Christ est notre chemin, le Chemin.

            Mais, ce matin, je voudrais surtout vous dire que, marcher, c’est aussi s’arrêter comme il était dit dans le livre des Rois : “Celui qui s’arrête… est un saint homme de Dieu” (2 R 4, 9). Jésus lui-même a su s’arrêter au bord du puits de Jacob, fatigué par la route. J’aime beaucoup un petit mot de l’évangile selon saint Jean, au chapitre 4, que la liturgie ne traduit malheureusement pas : “Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source”. Le texte dit exactement : “c’était assis ainsi près de la source” ou plutôt “tel quel”.

            Retenez ce mot : “tel quel” ! Jésus ne fait jamais semblant (même vers Emmaüs, quand il attend, sans s’imposer, que les disciples le reconnaissent) : son corps s’épuise comme tout le monde quand il marche. Alors il s'arrête simplement. Parce que la pause fait partie de la marche. Mais c’est “tel quel” que Jésus va s’adresser à la Samaritaine. C’est “tel quel” qu’il va lui demander à boire. C'est “tel quel” qu'il va dialoguer et se révéler à tous les villageois. La marche peut être à tout moment, y compris dans la fatigue, l’occasion d’une révélation par un autre, pour un autre, pour beaucoup d’autres. Jésus n’a pas cherché à paraître autre que ce qu’il était à chaque instant : fatigué, doux, en colère, apparaissant simplement à Marie Madeleine ou montrant ses plaies à Thomas.

            Ce matin, nous sommes donc “tels quels”, avec ce que nous sommes. Ce n’est pas de la résignation, ni un vague constat. C’est une attitude spirituelle. Elle vaut à chaque instant. N’attendons pas d’être “bien” ou “parfait” pour agir, décider, parler, avancer. Ne vivons pas en héros mais avec ce réalisme spirituel d’être en vérité devant Lui.

            Ce matin, prenons un temps de silence, dans cette eucharistie, après cette longue marche, pour certains, ou comme de simples fidèles, fatigués peut-être comme le corps de l’Église ou désorientés comme le monde actuel. Nous sommes là “tels quels” sans autre but que de rendre grâce pour la route, pour les rencontres imprévues, la beauté admirée ou le silence reçu.

            Nous sommes là pour rendre grâce y compris dans l’épreuve ou à la veille d’une difficulté. Jésus lui-même a rendu grâce la veille de sa mort. “Au moment d’être livré” par d’autres, c’est lui-même, Jésus, qui va “entrer librement dans sa Passion” par une marche singulière, son chemin de croix, son chemin de Pâques. L’eucharistie que nous célébrons va nous donner le pain de la route parce qu’elle est le pain de la vie, de la communion au Christ lui-même. Elle n’est pas d’abord le pain des forts, mais pour l’effort. Elle est le pain des faibles, des fatigués. Elle est le pain suressentiel que nous demandons dans la prière du Notre Père. Ce pain nous est donné “pour que nous menions une vie nouvelle” (Rm 6, 4), “pour être dignes du Seigneur” (Cf. Mt 10, 38) car c’est lui qui nous a rendus dignes de (le) servir en sa Présence. Goûtons, “tels quels” cette présence.