Retour sur le pèlerinage à sainte Marie Madeleine — Pèlerinages

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Retour sur le pèlerinage à sainte Marie Madeleine

Près de 400 pèlerins ont pèleriné en l'honneur de sainte Marie Madeleine, le 22 juillet 2023, à Vézelay. Un accueil spécifique pour les touristes de passage était mis en place pour leur permettre, s'ils le souhaitaient, de devenir eux aussi pèlerins.

Homélie

Prononcée par Mgr Hervé Giraud, archevêque de Sens & Auxerre

« Femme, pourquoi pleures-tu ? » La question est d’abord posée par les deux anges à Marie Madeleine. Elle signifie tout simplement l’attention divine au malheur d’une femme, marquée par un deuil. Avant toute révélation définitive Dieu se préoccupe de nos vies, de nos difficultés, parfois de nos malheurs. Oui, Marie-Madeleine pleure. Elle est « tout en pleurs » comme tant d’autres femmes et hommes en ce monde quand une épreuve survient. Cependant, derrière ses pleurs, il y a une douleur plus profonde. Sa réponse montre qu’elle pleure, non pas parce que Jésus est mort, mais parce qu’« on a enlevé (son) Seigneur » et qu’elle ignore où est son corps. Son deuil même lui est volé. Cette nouvelle douleur provoque son premier retournement, comme si elle cherchait déjà ailleurs ce corps qu’elle veut revoir et embaumer.

Alors pourquoi Jésus lui apparaît-il à ce moment et non d’abord à la place des deux anges ? Pourquoi pose-t-il à nouveau la question, celle à laquelle elle a déjà répondu aux envoyés de Dieu ? Question qui nous semblerait délicate dans un tel moment, car elle amène la personne interrogée à répéter sa détresse. Pourtant, la réponse est évidente ! Elle pleure celui qu’elle aime, celui qu’elle a suivi, celui qui est mort trop jeune, et surtout d’une mort injuste et cruelle.

Mais l’Évangile est précis et ne se contente pas de juxtaposer des vérités révélées ! C’est à travers le récit qu’il nous dévoile la manière de Dieu pour se révéler pleinement. Ainsi, toute révélation doit être progressive, même de nos jours, lorsque nous souhaitons témoigner de notre foi. Nous ne devons pas simplement divulguer des vérités toutes faites ; notre mission est de révéler le Christ à la manière même des évangiles. Nous devons révéler la Vérité, qui est la personne vivante de Jésus, à la manière même qu’il a eu de se révéler.

Par cette apparition, par sa manière de « se tenir là » auprès de Marie Madeleine - à ce moment-là et pas avant - Jésus veut probablement préparer Marie Madeleine à l’inouï, à l’invraisemblable, à l’inattendu de Dieu. Les anges ont bien préparé le terrain par une attention délicate et Jésus peut alors rebondir, non seulement en reprenant les mots angéliques : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » mais en ajoutant : « Qui cherches-tu ? » Elle cherche un corps et Jésus lui montre déjà un autre corps. Il prépare Marie Madeleine à l’inévidence de sa résurrection, à l’inévidence de sa présence qui désormais sera tout autre. Cette présence de Jésus est tellement autre qu’elle le prend pour le jardinier… signe que Jésus, le crucifié, ne se présente pas lui-même avec beaucoup d’évidence. Elle ne reconnaît même pas sa voix. Elle semble même l’accuser : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé… ».

C’est alors par un prénom, son prénom comme murmuré par Jésus que Marie Madeleine le reconnaît. Ni l’apparence de Jésus, ni sa voix n’ont suffi. Mais la prononciation de son prénom rend évident… celui qui ne l’était pas. Car désormais la présence de Jésus ne sera ni immédiate, ni évidente. Souvenons-nous de Matthieu 25 : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… tu avais donc faim ? » (Mt 25,37).

L’inévidence, c’est peut-être le mot de notre époque quant à la présence de Dieu parmi nous. Dieu n’est pas évident : il est l’Inévident ! Nous pourrions nous aussi pleurer de ce qu’Il semble disparu du cœur de beaucoup. Nous pourrions aussi regretter que Dieu ne se montre pas plus explicitement dans notre monde sécularisé qui aurait tant besoin de sa présence visible réconfortante. Madeleine Delbrêl écrivait déjà il y a plusieurs décennies : « Un péril majeur s’approche de l’Église sans bruit : le péril d’un temps, d’un monde où Dieu ne sera plus nié, pas chassé, mais exclu, où il sera impensable… »

À moins que… à moins que cette inévidence de Dieu ne devienne notre mission. N’est-ce pas à nous de le faire reconnaître par sa Parole ? N’est-ce pas à nous de porter sa voix en regardant ceux qui pleurent, en s’intéressant à la vie ordinaire. Dieu peut nous devenir un peu plus évident en écoutant des pauvres en esprit, des doux, des artisans de paix, des affamés de justice, des humbles, des tout-petits… ou en voyant ceux et celles qui pleurent comme Marie Madeleine.

L’inévidence de Dieu peut donc être paradoxalement un point d’appui pour notre témoignage. Loin d’être une difficulté, cette inévidence nous oblige à regarder les simples jardiniers et à reconnaître en eux la présence du Christ. Oui, Dieu n’est pas évident et c’est peut-être une bonne chose pour que nous le cherchions dans tous les ailleurs du monde, y compris en nous.

En communiant au Corps de Christ, nous faisons un acte de foi : la petite hostie, si plate et sans saveur, que nous consommons nous invite à croire à ce qui n’est pas évident : la présence réelle du Christ. La foi seule nous ouvre à ce mystère : « Recevez ce que vous êtes. Devenez ce que vous recevez. » Marie Madeleine pleure un corps perdu mais aujourd'hui nous sommes le Corps du Christ : nous le recevons et nous le devenons. S’il est bon de pleurer - comme le pape nous y invite souvent à propos des malheurs du monde - il est bon surtout de chercher la présence de Dieu en tout lieu, à tout instant, en toute personne, en tout événement. Marie Madeleine se lamente et questionne : « Je ne sais pas où on l’a déposé… dis-moi où tu l’as déposé. » La seule réponse du Christ est de l’envoyer trouver ses frères. Aujourd'hui encore nous ne savons pas où il est déposé, sinon dans cet élan qui nous conduit, nous-mêmes, vers nos frères.

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