La situation des migrants présentée au CEAS — Diocèse de Sens & Auxerre

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La situation des migrants présentée au CEAS

Lors de son assemblée générale du 8 novembre 2018, le CEAS a invité Christian Canavesio, membre du Réseau de soutien aux migrants 89, pour présenter la situation des migrants dans l'Yonne. Voici le texte de son intervention.

Quelques chiffres

En 2017 : 100 142 demandes d’asile effectuées.
L’OFPRA a reconnu 13 020 personnes réfugiées (carte de 10 ans) et 10 895 protections subsidiaires (carte de 1 an), soit 31,7 % de réponses positives.
65 000 demandes refusées.
Environ 34 % sont “dublinés” (voir ci-après)

Les premiers pays de provenance des demandeurs d’asile sont l’Albanie, l’Afghanistan, Haïti, le Soudan, la Syrie.

On note une augmentation de demandes en provenance d’Afrique : Érythrée, Guinée, Côte d’Ivoire…

État des lieux de la situation des migrants dans l’Yonne

Les trois grandes catégories de migrants

Il y a trois grandes catégories de migrants, aux problématiques bien différentes :

Les demandeurs d’asile

Ils doivent se déclarer comme tels à la Plateforme d’Accueil de Demandeurs d’Asile (PADA), près de  Dijon, puis obtenir un rendez-vous au Guichet Unique de Demandeurs d’Asile (GUDA), à Dijon, où ils sont enregistrés : la préfecture les identifie (prise d’empreintes) et l’OFII (l’Office Français de l’Immigration et de l’Intérieur) leur propose les conditions matérielles d’accueil (hébergement et allocation financière).

Un bon tiers d’entre-eux sont “dublinés”, c’est-à-dire qu’ils ont été enregistrés dans un autre pays européen à leur arrivée et ne peuvent donc pas, au titre des accords de Dublin, déposer leur demande d’asile en France. Ils sont destinés à retourner dans cet autre pays pour y déposer leur demande.

Un petit tiers, après leur rendez-vous à l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides), et éventuellement après un appel d’une décision négative de l’OFPRA auprès de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile), obtiennent leur statut de réfugié (carte de séjour de 10 ans), ou une protection subsidiaire (ou humanitaire) (carte de séjour de 1 an, renouvelable).

Deux tiers de ceux qui ont pu déposer une demande d’asile ne l’obtiennent pas et sont déboutés : ils quittent le territoire, ou deviennent des clandestins.

Les mineurs non accompagnés (MNA)

 

Dans l’Yonne, ils sont tous emmenés à Avallon auprès de l’association Enfance et Jeunesse en Avallonnais qui est habilitée par le Conseil Départemental à attester s’ils sont mineurs ou pas et non accompagnés ou pas. En 2017, ils ont été entre 380 et 400 à passer par cette procédure. Quand ils sont déclarés majeurs, ils sont souvent convoqués au tribunal en correctionnelle pour fausse déclaration et ils doivent quitter le territoire.

Un recours est possible auprès du juge des enfants d’Auxerre qui peut les rétablir dans leur minorité.

Les autres situations

 

Des personnes qui sont dans le cadre de demandes de séjour pour raisons familiales, de santé, de travail, d’études… : ce sont des mineurs isolés scolarisés qui arrivent à leurs 18 ans.
Ils obtiennent parfois des titres de séjour, avec ou sans autorisation de travail.

La législation est  très touffue, en évolution (vers plus de fermeté), accompagnée de circulaires qui laissent un pouvoir discrétionnaire au préfet.

Avec les mineurs non accompagnés, ce sont surtout eux qui viennent demander un accompagnement à la Cimade (la Cimade est une association de solidarité active et de soutien politique aux migrants, aux réfugiés et aux déplacés, aux demandeurs d’asile et aux étrangers en situation irrégulière)(voir ci-après).

Leurs droits

 

Il est à noter que si les demandeurs d’asile touchent une ADA (Allocation d’Aide pour Demandeurs d’Asile – 6,80 € par jour pour une personne, plus 3,40 € par jour par personne supplémentaire). Ils n’ont pas le droit de travailler, ainsi que tous les autres demandeurs de titres de séjour. Ces derniers ne touchent aucune allocation et n’ont droit à aucune forme d’hébergement officiel.

La solidarité nationale ne se manifeste que pour la santé et la scolarisation des enfants pour laquelle il n’est demandé aucun titre de séjour.

Les structures officielles d’hébergement

 

Pour les demandeurs d’asile :

 

Les CAO (Centres d’accueil et d’orientation) ont été créés après les évacuations de Calais et des trottoirs parisiens. Il y en a un à Jaulges (géré par la Croix Rouge - 150 places) en pleine campagne, loin de tout.

Les CADA (Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile) où les demandeurs d’asile sont hébergés, accompagnés dans leurs démarches se trouvent à Auxerre (en foyer et en appartements), à Vergigny, à Joigny et à Villeblevin (gérés par l’association COALLIA). Ils totalisent 390 places.

Le PRAHDA (Programme d’Accueil et d’ Hébergement pour Demandeurs d’Asile) est situé dans l’ancien hôtel Formule 1 d’Appoigny - 82 places – géré par l’association ADOMA. C’est là que sont en principe hébergés les demandeurs d’asile (personnes  et familles) qui sont dublinés, le plus souvent assignés à résidence (devant aller signer au poste de police de 1 à 3 fois par semaine) et dans l’attente, douloureuse et stressante, d’une notification de transfert vers un pays où ils ne veulent pas aller.

Il y a aussi les services de l’Aide Sociale à l’enfance du Département qui prennent soin des mineurs non accompagnés ;

  • le foyer d’accueil mère-enfant de Migennes (Croix Rouge) ;
  • le 115, ou hébergement d’urgence, à rappeler chaque jour pour espérer un abri pour une nuit.  Il faut passer par une inscription au SIAO dont la gestion est confiée à la Croix Rouge. Ce service a peu de places à offrir, très souvent déjà toutes occupées. Le 115 devrait fournir un accueil inconditionnel : il est en fait réservé aux personnes les plus vulnérables (être une femme seule avec un enfant ne suffit pas toujours).

Les structures associatives dans l’Yonne

 

Deux associations principales

La Cimade
C'est une association nationale. Elle offre un accompagnement juridique et administratif. Elle aide à la composition des dossiers, met en lien avec des avocats quand il y a des recours possibles et met en lien avec les autres associations locales pour répondre à d’autres besoins.
La Cimade propose deux permanences d’accueil, une à Auxerre et une à Sens.

RSM 89 (Réseau de Soutien aux Migrants dans l’Yonne)
En liens étroits avec la Cimade, cette association propose des accompagnements de trajets, des hébergements, des cours de français, des temps de rencontres conviviales, des fournitures de divers matériels, mobiliers et vêtements…

Autres intervenants associatifs

Des collectifs plus informels  se sont créés pour accompagner des lieux (ex : le PRAHDA d’Appoigny), aider les résidents et rester vigilants aux conditions d’accueil…

Les Compagnons d’Emmaüs de Pontigny accueillent aussi des migrants (hommes seuls) en leur proposant une activité régulière.

Le Secours Catholique, le Secours Populaire, les restaurants du Cœur offrent leurs services à tous et aussi aux migrants.

Quelques paroisses dans l’Yonne offrent également aide et hébergement.

La solidarité dans l’Yonne

Nous pouvons constater qu’il y a dans la population française des réactions de refus des migrants, mais ce n’est pas le cas de tout le monde, loin de là. On peut constater qu’il y a une forte densité de solidarités silencieuses et efficaces et cela est un appel à ce que de nouvelles personnes participent à ces types d’actions. La politique migratoire crée des situations de plus en plus compliquées, difficiles et désespérantes pour ces hommes, femmes et enfants. Les besoins restent très grands.

Les domaines où nous pouvons agir  :

  • l’hébergement pour ceux qui n’y ont plus droit, qui sont en situation transitoire…
    C’est chez l’habitant, en ville ou à la campagne, en appartements prêtés ou loués, dans des lieux d’Église ou des gîtes communaux… En général des groupes de soutien entourent une famille qui est ainsi vivante dans un réseau relationnel.
  • la domiciliation : certains continuent à être hébergés pour un temps dans un lieu officiel, mais celui-ci ne donne plus le courrier, les procédures d’appels, les contacts avec les avocats sont impossibles… sauf si des personnes acceptent de recevoir pour eux le courrier à domicile. Une action facile, légale et très utile.
  • les cours de français donnés par des bénévoles, de façon collective et aussi individuelle, dans des lieux prêtés par la mairie, l’association Coup de Pouce, des presbytères…, ou chez l’habitant, en ville comme à la campagne, là où le besoin existe. Les associations “officielles”, subventionnées n’acceptent pas de donner des cours aux personnes n’ayant pas encore de papiers.
  • les aides de toutes natures, vêtements, meubles, vélos, temps conviviaux, accompagnement dans les rendez-vous à Dijon ou ailleurs en région parisienne pour les démarches : aucun frais de transport n’est remboursé par la solidarité nationale.

Il faut se rappeler que parmi les immigrés très peu de ces personnes ont choisi de venir ici en France :  ils sont venus, “obligés” de quitter leur pays, pour des raisons économiques ou politiques et ils en souffrent.

Christian Canavesio