Homélie du Père Arnaud Montoux — 16. Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

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Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

Homélie du Père Arnaud Montoux

Retrouvez le texte complet de l'homélie de la messe de départ du Père Arnaud Montoux (5 septembre 2021)

Homélie du dimanche 05 septembre 2021

Cathédrale Saint-Etienne d’Auxerre

P. Arnaud Montoux

 

« “Effata !”, c’est-à-dire : “Ouvre-toi !” » 

Frères et sœurs, je voudrais que ce mot – « Effata » –  résonne en nous, comme il résonne dans le volume de la cathédrale, jusqu’à l’infini, pour produire en nos vies tout ce qu’il signifie, jusqu’à ce que le silence nous enveloppe de la clameur finale qui embrasera le monde au dernier jour.

« Effata ! », « Ouvre-toi ! », ces mots du Christ sont adressés à ce « sourd qui avait aussi de la difficulté à parler » dont nous parle l’Évangile, mais nous savons tous que c’est à nous, à chacun de nous, à ce monde, que cette parole est lancée, non comme une accusation ou comme un ordre péremptoire, mais comme une confiance fondamentale et fondatrice. La Parole que Dieu adresse à l’homme est toujours taillée dans le bois de son infinie confiance en ce qu’Il a fait sortir du Néant pour la Vie ; cette confiance de Dieu, c’est celle qui colorait la première aube du monde et c’est aussi celle qui teinte tous les actes de confiance que nous posons modestement, pauvrement, au cours de notre vie, ces décisions courageuses prises en secret et que personne ne connaîtra jamais, ces « Ouvre-toi ! » que nous murmurons dans le fond de nos nuits intérieures, ces résolutions de croire, d’agir et d’aimer, au-delà du raisonnable et qui, mystérieusement, changent les profondeurs de la destinée du monde.

Dans cet « Ouvre-toi ! » prononcé par le Christ, retentit la raison d’être du monde et la raison d’espérer pour aujourd’hui et pour demain ; nous y entendons l’écho du « Fiat Lux ! », « Que la Lumière soit ! » de Genèse 1, et celui du « Lazare, sors d’ici ! » de l’Évangile de Jean, mais nous y reconnaissons également le goût de ce pauvre pain noir qui, quand il est rompu, redonne des forces pour demain, le regard de l’ami qui nous suscite, les mots des pauvres gens dont parlait Léo Ferret – « ne rentre pas trop tard, ne prend pas froid » -- ces mots qui nous tiennent mystérieusement au-dessus de l’abime et qui demeurent comme un rempart contre toutes les barbaries.

Dans l’Évangile dans lequel nous venons d’entendre cet « Effata ! », le Christ, Dieu-fait-homme, s’est approché d’une personne, une personne emmurée dans sa surdité et son mutisme, et il a reconnu en elle, l’homme, tout l’homme et tout homme, ce frère qu’Il s’est donné en se faisant l’un de nous ; en le reconnaissant, il a également reconnu ce qui en lui, devait être guéri pour lui rendre sa pleine dimension d’image de Dieu.

Dieu ne s’approche pas de ce qu’Il a créé pour le condamner, pour le détruire ou pour l’accuser sans espérance de guérison : ce qu’il touche du doigt, ce qu’il mouille de sa salive, c’est ce qu’il identifie comme souffrant, comme blessé, pour le rendre à la vie. Et l’énergie qu’Il déploie pour rejoindre la blessure à guérir ne doit pas échapper à notre attention : Faites attention au vocabulaire d’action de ce texte, à la matière du récit pour mesurer toute l’ampleur de ce que le Christ fait : Jésus « quitte », « passe », « prend la direction », « va » ; alors que des gens lui « amènent » un « sourd qui avait aussi de la difficulté à parler », et le « supplient », Jésus l’« emmène », lui « mit les doigts dans les oreilles », lui « touche la langue », « soupire », il « dit », et les oreilles de l’homme « s’ouvrent », « sa langue se délie », il « parle »... Ici, tout est mouvement, tout est élan, tout est contact, geste, matière, attention et transformation…

Dieu a quitté son infini pour prendre la direction de nos vies finies, pour aller à la rencontre de nos beautés et de nos misères, pour devancer nos supplications, Il a pris par la main, il a touché avec tendresse, il a regardé le Ciel pour se souvenir de la grandeur qu’il avait déposée dans le cœur de l’homme et il a dit « Effata ! ». Si cette parole délie, si elle rend à l’homme blessé, recroquevillé dans son ombre, la lumière de sa dignité première, c’est qu’elle est à l’opposé d’une parole magique : c’est une parole pleine, lourde, chargée, gonflée de toute ces actions, de ces attitudes pesées et coûteuses qui révèlent la qualité de la relation que le Dieu fait homme entretient avec sa Création.

Dieu n’est pas un magicien et Il ne fait rien sans se donner Lui-même en ce qu’il fait. Nous avons parfois la tentation d’agir efficacement d’un mot, d’un trait, d’un coup, d’une solution sans sueur, sans larme ni sang, mais Dieu, Lui, dans son œuvre de Salut nous a rachetés à grand prix au pas de ses incessantes marches, dans les larmes pour Lazare, dans l’usure de son regard espérant tous nos horizons, dans la sueur de sang du jardin des oliviers, dans le cri d’abandon lancé au Golgotha, dans la lumière du tombeau vide et celle de la fraction du pain à Emmaüs.

N’oublions jamais que la Révélation divine n’est pas faite que de mots, et que pour un Chrétien, elle n’est surtout pas une collection de paroles de sagesse destinée à une évasion spirituelle ; la Révélation divine, c’est avant tout quelqu’un : le Verbe de Dieu, le Fils Éternel qui contemple la face du Père depuis l’avant du monde, qui s’est fait homme, ce Jésus-Christ, qui nous dit tout autant qui est Dieu dans ses actes et dans ses attitudes, que dans les mots qu’Il prononce. Dans la nudité et l’impuissance de la crèche, il nous dit que la Puissance de Dieu ne s’exprimera jamais mieux que dans le paradoxe des plus grands dénuements offerts dans l’Amour ; dans ses babillements de nourrisson, dans ses balbutiements d’enfant, dans le silence de ses trente années de vie cachée à Nazareth, dans ses amitiés nouées jusqu’au sang, dans l’élégance de ses gestes et de sa délicatesse, dans l’intelligence de ses larmes, Dieu s’est montré, s’est rendu compréhensible, accessible… Il s’est donné ! Ne faisons pas de cette monstrance de chair et de sang, de relations et de d’habitation du monde qu’est la Révélation un recueil de bonnes paroles pieuses pour s’endormir le soir.

Quand Dieu rend accessible l’intime de son mystère dans une telle richesse d’existentialité, dans une telle épaisseur de présence, d’attention et de relation, comment les Chrétiens pourraient-ils penser trouver le Salut, en témoigner, ou y collaborer en cherchant à vivre en dehors de leur corps, en dehors des conditions humaines que Dieu à consacrées en venant y réaliser son œuvre. Dieu n’a pas vécu en ce monde, comme un gourou, comme un de ces illuminés vers lesquels se tournent tant de nos contemporains en mal de spiritualité bon marché, Il s’est immergé dans ce monde pour le conduire, par contagion, vers les contrées de la Vie totale. Ne l’oublions jamais : le Salut ne tracte pas de l’extérieur, d’en haut, il germe de l’intérieur, pour faire monter ce dans quoi il est descendu ; il meurt pour faire vivre, il se désagrège pour régénérer, il s’éteint pour éclairer la nuit. Ne nous trompons pas de direction quand nous cherchons à être disciples du Christ, ne trahissons pas le mouvement de Sa Vie qui sourd au plus profond de nous, au plus obscur du monde. C’est souvent là, dans cette épaisseur lourde où s’enracinent nos fuites, que se tient caché le mystère d’un passage… C’est souvent là où nos piétés creuses condamnent et méprisent la chair, que pourtant l’homme attend Dieu… Là que nous devons être postés, comme des vigies.

Ce qui est vrai de la nécessité d’habiter l’épaisseur de nos vies qui ne doit jamais être diminuée pour aller de manière illusoire au plus rapide, au plus efficace, au plus spirituel, est également vrai quand il s’agit d’habiter l’épaisseur de notre vie sociale, ou de la surface de contact au monde qui doit être assumée par l’Église dans son ensemble et par chaque communauté en particulier : Il y a des chrétiens qui pensent que réduire cette surface permet d’être plus intransigeant et donc plus fidèle, plus catholique, plus pur en quelque sorte... mais c’est l’inverse qui est vrai ! Notre Baptême exige que nous cherchions à être fidèles à Dieu au delà des tentations de repli que la peur des questions du monde fait parfois surgir en nous. Dieu a ouvert un chemin dans la mer, il a frayé un passage vers le Salut, mais il ne l’a pas ouvert dans l’intransigeance des pharisiens et des zélotes, il ne l’a pas ouvert dans la gloire et les honneurs, il l’a ouvert dans cette part très pauvre et très vulnérable de notre être, cette part où tout vacille, où il ne reste plus de nous que ce cœur palpitant qui tient entre les mains d’un autre à qui l’on se remet, cette part que Jésus a assumé sur le Croix et qui reste plus que toute autre ouverte à la foi, et donc aussi au doute. En septembre 2009, Benoît XVI rappelait que le non-croyant et le croyant ont besoin l'un de l'autre et que « le catholique ne peut se contenter d'avoir la foi, mais doit être à la recherche de Dieu encore plus, et dans le dialogue avec les autres, réapprendre Dieu de manière plus profonde ».  Si notre foi veut être féconde, elle ne peut pas accepter de se replier en un quelconque sécurité, elle a besoin du compagnonnage avec les questions et des doutes du non-croyant, pour ne pas être réduite à une idéologie stérile.

Ce n’est pas en recherchant à tout prix à avoir des idées différentes, des aspirations moins incarnées que nous forgerons une identité chrétienne ; c’est plutôt en mettant nos pas dans les pas de ce Christ qui s’est fait vraiment homme et qui est désormais accessible à tous les hommes jusqu’à la fin des temps. Chercher le Christ, chercher à lui ressembler, à être vraiment catholique, ce n’est pas chercher à rentrer dans une caste coupée du monde, coupée des autres hommes, c’est, au contraire être proche de tous, parce que le catholicisme, dans sa racine est un devoir d’être présents à l’universalité de l’humanité et de la Création tout entière.

À la différence d’un grand nombre de penseurs et de philosophes qui, de la Renaissance à l’époque contemporaine, ont plus ou moins volontairement extrait l’homme de cette épaisseur pesante du réel, de la chair et de l’histoire pour lui faire miroiter une existence détachée et une liberté fondée sur l’absence de dépendance à l’égard du Cosmos, nous devons sans doute revenir à cette humilité philosophique, théologique et spirituelle qui était au cœur des convictions médiévales et qui nous proclamait « capables de Dieu » (« capax Dei ») dans une chair semblable à celle de tout vivant et de tout existant… Ce qui fait la grandeur de la chair humaine, de la vie humaine, c’est d’être le lien fragile, mais persistant, entre la basse réalité du monde dans ce qu’elle a de plus banal, de plus méprisable, de plus éphémère, et la réalité éternelle et infini de Dieu. Ne quittons pas cette condition si inconfortable, mais si féconde… ! Par le mystère de Noël qui fascinait tant Marie Noël, nous sommes constamment renvoyés à la grandeur bouleversante de cette part infime de l’univers que nous sommes et qui tient en elle l’Espérance de tout ce qui l’entoure.

Même si nous avons parfois du mal à comprendre ce monde, nous ne devons pas céder à la facilité d’en avoir peur, nous ne devons pas nous enfermer dans des tours, même d’or ou d’ivoire pour regarder ce monde de l’extérieur ; le monde de ce temps n’a pas besoin d’un christianisme bravache et hautain, il a besoin d’un Christianisme qui se dresse, et qui se tienne sur les barricades, là où l’estime de l’homme et du monde sont en danger ; notre monde fragilisé doit nous trouver debout et les bras ouverts, malgré nos faiblesses, les yeux fixés sur l’horizon et sur les blessures de l’homme ; c’est dans ces blessures que suinte la menace des guerres de demain, mais c’est aussi en elle que peut germer l’espérance des plus beaux renouveaux… Si les Chrétiens se mettent à l’abri de ces blessures humaines qui prennent souvent la forme de rejets violents, de contradictions et d’interrogations parfois indentifiées comme blasphématoires, ils perdent les occasions de servir les germinations qui s’y préparent. Oui, nous devons chercher avec passion la Vérité, mais nous ne la trouverons plus en nous promenant dans les allées de nos jardins clos. La Vérité ne se découvre qu’en empruntant les chemins ardus qui sont ceux de notre temps ! Je ne cesse de rappeler à mes étudiants que les grands théologiens du Moyen Âge n’ont pas fait autrement : saint Thomas d’Aquin ou saint Bonaventure, au XIIIe siècle, dans la toute jeune université parisienne se sont affrontés avec un courage chrétien, viril, aux questions et aux mutations profondes de leur temps et c’est grâce à cette audace qui leur faisait lire les textes redécouverts d’Aristote et les philosophes arabes mususlmans qu’ils ont produit l’architecture prodigieuse de la grande théologie scolastique. Au IXe siècle, Jean Scot Érigène n’avait pas fait autre chose, mais il l’avait autrement pour épouser les questionnements de son temps, et au XXe siècle nous avons vu se lever des théologiens profondément courageux qui avaient compris que les questions nouvelles et les crises anthropologiques qu’ils traversaient ne se contenteraient pas de la répétition de discours réchauffés et rassurants. L’Evangile n’a rien de réchauffé, la Révélation est toujours nouvelle, elle est source de constant renouvellement pour le monde, mais à condition que l’intelligence des hommes soit rendue capable de réception. Nous constatons tous aujourd’hui que la raison est en danger en Occident : ce siècle hyper-technicisé, démystifié par des décennies de matérialisme, ne cesse d’être rattrapé par des peurs archaïques et des réflexes irrationnels. Pour tenir notre place et pour continuer de aujourd’hui la Lumière de l’Évangile nous devons partager les questionnements, les inquiétudes et les aspirations de nos contemporains. C’est pour participer à la formation de futurs formateurs qui deviendront à leur tour des formateurs et des éveilleurs de conscience et de raison, que j’ai accepté la mission universitaire que je n’avais ni anticipée ni voulue… Je veux me battre de toutes mes forces pour que des jeunes et des moins jeunes fassent de la vocation théologienne une occasion pour l’Eglise de tenir sa place au sein de la société française, au service de la recherche de la Vérité, et je veux croire que nous pouvons encore tenir ce rôle civilisateur qui a façonné nos sociétés et qui continue de les travailler : le Christianisme n’est pas une doctrine lointaine ou hautaine, mais la certitude que Dieu rejoint chaque homme dans sa quête… Le Catholicisme de Maritain, de Bernanos, de Péguy, de Claudel ou de Marie Noël pour ne citer que ces géants du XXe siècle, ne s’est pas nourri des remugles du passé, il s’est nourri des inquiétudes de son temps pour produire de la Beauté, de la Culture, de l’Intelligence en les plongeant dans le révélateur de l’Évangile, et c’est de cela que nous avons besoin, pour affronter les crises de ce siècle encore nouveau.

Je m’adresse à vous, les jeunes, les plus jeunes d’entre nous, et je vous demande de vous souvenir, de ce Christ qui a vu dans les publicains et les prostituées ceux qui nous précèdent dans le Royaume des Cieux. N’oubliez pas cette Parole ! Soyez d’authentiques témoins du Christ dans une humanité qui a perdu tant de repères qu’elle finit par se dégoûter elle-même et par ne plus croire en sa grandeur, mais qui continue de la chercher – sans même le savoir – dans toutes ses errances. Vous n’êtes pas meilleurs que les autres, vous n’êtes pas des purs, vous avez juste accueilli un jour en vous la nouvelle d’une Amitié divine qui vous dit que c’est cette Amitié, cet Amour qui est la source de l’Univers, qui vous dit que la Relation est le sens de tout ce qui existe. Fuyez tout ce qui cherche à simplifier à rigidifier a résumer, à réduire l’homme, la personne humaine, et le mystère de la relation a des définitions ou à des formules, même théologiques…

Ne vous repliez pas entre vous, ne jugez pas les autres selon de « faux critères » comme le dit saint Jacques dans la seconde lecture de ce jour : si Dieu a « choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume », vous ne pouvez pas croire que vous êtes des élus au détriment des autres… ! S’il nous a choisis alors que nous sommes pauvres, c’est pour que nous soyons témoins de sa Miséricorde qui relève, qui révèle et qui rend libre !

Ne façonnez pas votre vie sur la quête d’un bien être individuel à construire et à protéger ; gardez au cœur la mémoire de l’image de vous qui se trouve en Dieu depuis la fondation du monde... Vous êtes faits pour la relation, vous ne réaliserez votre vie que dans la relation, vous ne trouverez des solutions aux crises de notre temps, qu’elles soient économiques, politiques, écologiques, sociales, morales, qu’en retrouvant dans votre propre vie, dans votre propre engagement, dans vos choix de vie, qu’ils soient professionnels, vocationnels, affectifs, le sens même de la Relation éternelle qui est en Dieu. Là où le meilleur de nous est engagé se trouve l’occasion d’être grand mais aussi le danger d’être mesquin, l’opportunité de faire grandir le monde et la menace de le détruire. Misons la moelle de nos os, le sang de nos veines et nos plus grandes aspirations dans le pari d’une vie donnée pour les autres et – aussi pauvre que nous soyons – nous rendons ce monde à sa vérité ; jetons tout ce trésor que nous sommes dans la fosse de nos intérêts individuels au mépris de l’Amour des autres, et nous défigurons le monde... Sans cet axe de l’exigence divine en nous, sans ce cœur de l’humain qu’est le désir d’être et de faire pour les autres et pour l’autre, sans ce trait de l’image de Dieu en nous qu’est la capacité relationnelle, notre humanité peut vite devenir un conglomérat d’individus qui se déchirent (je pense au retable de Beaune) en s’ignorant...

 La grande épreuve de l’existence est dans la Relation, qui construit, qui fascine, qui déçoit, qui relève, qui déchire, et qui devient un jour, la seule terre ferme, la seule sécurité qui demeure, même au plus profond des nuits. Perdez-tout, mais ne sacrifiez jamais le mystère de la Relation à des biens qu’on possède. Ne vous engagez pas dans la foi pour de mauvaises raisons ; ne brûlez pas d’un mauvais bois…La victoire du Ressuscité ne dépend pas de vous d’abord, c’est parce qu’elle est plus grande et plus puissante que tout ce que vous pourrez jamais faire que vous pouvez verser votre pauvre vie, vos pauvres dons, vos pauvres combats dans la balance… Vous découvrirez au dernier jour le poids et le sens véritables cette offrande.

            Ayez confiance en l’Église, aimez-la comme votre mère… vous connaissez ses qualités, vous connaissez ses défauts, mais vous savez aussi que c’est de sa chair qu’est née la vôtre, de sa vie qu’a jailli la vôtre. Aimez-la sans illusion, en la critiquant lorsque c’est nécessaire, mais aimez-la sans la quitter, en participant à la faire grandir, comme on fait grandir ses parents en devenant vraiment soi-même. Ne vous érigez pas en gardiens de l’Église, c’est son mystère qui nous garde de nous-mêmes. Faites confiance à votre évêque, au successeur de Pierre, plus qu’à toutes les tentations d’avoir raison tout seul ou dans son petit groupe d’élus. Malgré toutes les imperfections qui sont celles de tous les hommes, et donc aussi les vôtres, les successeurs des Apôtres ont reçu un ministère qui dépasse nos amitiés et nos inimitiés… Aimez-les parce qu’ils portent en eux le principe de l’Unité qui est plus grand que leurs qualités et leurs défauts. Tenez au rassemblement dominical comme à l’impératif de l’accolade fraternelle, comme au repas de famille qui ne dépend pas de notre bon-vouloir mais de la grandeur du principe familial. Tenez à votre communauté paroissiale plus qu’à ceux qui l’animent… Si vous prenez tous votre place dans cette Communauté, si vous la faites vivre de vos aspirations, de vos questions, de vos générosités, vous la ferez rayonner au-delà du sensible. C’est du bouillon de culture de la première communauté structurée et innervée par la présence de l’unique sacerdoce qu’est le Christ que sont nés les ministères... Des vocations naîtront là où les Communautés chrétiennes prennent au sérieux la place de chacun de ses membres, là où l’on n’attend pas tout du curé mais où chacun apporte ses cinq pains et ses deux poissons. Soyez des chrétiens brûlants, chercheurs, témoins de la miséricorde, et des vocations naîtront... pas l’inverse.

            Pour conclure, je vous confie mon cœur qui est lourd de cette séparation, qui est lourd de quitter cette cathédrale que j’aime tant depuis si longtemps… Mais je sais qu’au matin du dernier jour, au son de la trompette, quand nous nous lèverons, je me dresserai, avec vous, dans tout ce qu’a été ma chair en ce monde, revêtu des lumières de mes premiers matins de Bretagne, des regards tendres et profonds de mes parents, de cette terre icaunaise qui m’est si chère, des roches de mon île du bout du monde, de la tendresse de ceux qui m’aiment, mais aussi des pierres de cet édifice fabuleux dans lequel nous avons fait monter ensemble vers Dieu la vie de cette Cité en offrande eucharistique. Alors, nous verrons la vengeance de Dieu dont parlait la première lecture de ce jour, et nous comprendrons ce que nous n’avions pas encore saisi… la vengeance de Dieu n’est dirigée que contre le mal et la mort : sa vengeance c’est la victoire du Salut sur la destruction :

 

« Voici votre Dieu :

c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu.

Il vient lui-même et va vous sauver. »

    Alors se dessilleront les yeux des aveugles,

et s’ouvriront les oreilles des sourds.

    Alors le boiteux bondira comme un cerf,

et la bouche du muet criera de joie ; 

car l’eau jaillira dans le désert,

des torrents dans le pays aride.

    La terre brûlante se changera en lac,

la région de la soif, en eaux jaillissantes ».

 

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