Le 7 octobre, la fête de Notre-Dame du Rosaire — Diocèse de Sens & Auxerre

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Le 7 octobre, la fête de Notre-Dame du Rosaire

Savez-vous pourquoi nous fêtons Notre-Dame du Rosaire le 7 octobre ? Tout part d'une bataille navale...

Curieux usage que celui d’exposer dans une église une scène de bataille, hors de toute référence biblique ! C’est pourtant le cas d’un tableau de l’église de Saint-Bris-le-Vineux, restauré il y a quelques années. L’œuvre a pour sujet la "bataille de Lépante" et s’avère être une précieuse copie d’époque (début du XVIIe siècle) d’une peinture murale originale datée de 1603 et visible au palais des Doges de Venise. Il faut dire que l’événement de 1571, considérable dans le "mouvement de l’Histoire", a fortement impliqué l’Église et tout le monde catholique d’alors. Et si la chose peut parfois nous interpeller aujourd’hui, gare aux anachronismes ! N’oublions pas en effet que la frontière entre religion et société civile et politique est une notion occidentale, d’ailleurs toute récente, et qu’elle s’avère être un contresens total quand il s’agit des sociétés, européennes ou non, avant le XIXe siècle, voire encore de nos jours en ce qui concerne d’autres cultures, celle de l’Islam ou du bouddhisme par exemple.

Qu’en est-il donc de Lépante ? Cette bataille navale la dernière menée par des flottes de galères, s’est déroulée dans le golfe de Corinthe, en Grèce actuelle, alors terre ottomane, , en face de la grande ville portuaire de Patras ; elle constitue la conclusion (provisoire) d’un long combat, commencé au XIVe siècle, et qui voit la "Sublime Porte", c’est-à-dire l’Empire Ottoman (du nom de la dynastie régnante), puissance musulmanne, s’affronter aux puissances occidentales chrétiennes, en particulier catholiques, pour le contrôle de la Méditerranée et des territoires qui la bordent.

Si les rives méridionales et orientales de la mer, qui appartenaient jadis à l’empire chrétien de Byzance, ont été conquises aux VIIe et VIIIe siècles par les Arabes, l’Asie Mineure, qui était restée byzantine, est définitivement perdue au cours du XVIe siècle ; sa capitale, Constantinople, tombe aux mains des Turcs en 1453. Dès lors, la puissance Ottomane étend son contrôle sur la Méditerranée, pratiquant notamment le piratage à grande échelle, ce qui gêne considérablement le commerce italien, en particulier vénitien, et le trafic massif des esclaves, qu’ils proviennent d’Europe ou d’Afrique noire. Sur terre, le règne du célèbre Soliman le Magnifique (1520-1566) voit la conquête de Rhodes et de Belgrade. Le siège de Vienne en 1529, bien qu’infructueux pour les Turcs, est un coup de tonnerre dans le ciel de la Chrétienté. Corfou tombe en 1537 et Malte en 1565.

L’année suivante (1566), un pape réformateur, Pie V, accède au trône de saint Pierre ; pénétré des orientations du grand concile de Trente, point d’orgue de la "Réforme catholique" (jadis appelée "Contre-Réforme"), le pontife est aussi fermement décidé à défendre l’espace chrétien ; il réussit à réconcilier Espagnols (alors maîtres d’une partie de l’Italie, à savoir les royaumes de Naples et de Sicile) et Vénitiens et forme en mai 1571 la "Sainte Ligue" destinée à porter un coup d’arrêt à l’expansion ottomane. La ville-république de Gênes et le royaume de Savoie rejoignent l’alliance.

C’est la "guerre de Chypre" de 1570 qui déclenche la réaction. Préparée de longue date par Istamboul, l’offensive vise à mettre la main sur cette île, point avancé du commerce maritime vénitien sur l’Orient. Si les villes de Kyrenia et Nicosie tombent assez rapidement, la grande cité de Famagouste résiste héroïquement.

L’occasion d’intervenir pour les Occidentaux est donnée en octobre 1571, quand la flotte turque rentre hiverner dans ses ports de Grèce, après des mois de campagne de piratage et pillage en Méditerranée. Le 17 du mois, les galères de la Sainte Ligue, dont celles des États Pontificaux, piègent les navires ottomans dans le golfe de Corinthe et défont totalement l’adversaire ; ils libèrent à cette occasion plus de 15000 captifs chrétiens, grecs pour la plupart, enrôlés comme galériens.

Privée de sa flotte de guerre et de piratage, la "Sublime Porte" (du nom du siège du sultan de Constantinople) se retrouve pour des décennies sans plus aucun moyen d’action en Méditerranée. C’est pourquoi la victoire de Lépante est vécue en Europe comme celle du Christ, qui lève enfin la menace pesant sur les terres de chrétienté. Aussi, deux ans plus tard, en 1573, le pape Grégoire XIII, attribuant la victoire à l’intercession de Marie, choisit-il la date du 7 octobre pour instituer la fête de Notre-Dame du Rosaire.

article de Patrice Wahlen, initialement publié sur le site internet de la paroisse Saint-Vincent (dissoute au 1er septemmbre 2023)

 

Illustration n° 1 : la peinture murale du palais des Doges de Venise

Illustration n° 2 : la copie de St-Bris-le-Vineux

 

 

 

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