Souvenir : le pèlerinage à Notre-Dame d’Arbault

C'est en 1682 que cet oratoire apparaît dans nos archives, à l’occasion de la visite pastorale de l’évêque d’Auxerre, Mgr André Colbert, qui en bénit les fondations. Le curé Salomon précise alors : “on jetait les fondements d’une petite chapelle pour y loger l’image de Notre Dame pour laquelle on avait, depuis le temps immémorial, de la vénération…” Le terme “d’image” désigne alors une statue ou un tableau, un bas-relief, une tapisserie… Renvoie-t-il ici à la statue des XVI-XVII^e siècles aujourd’hui déposée dans l’église paroissiale ? L’hypothèse est recevable. En tout cas, la dévotion à Marie était ancienne ; dans quel cadre et comment ? Nous l’ignorons. Preuve du succès du culte, l’édifice fut augmenté d’une nef en 1695.

Qu’est-ce qui attirait autrefois les pèlerins, qui sont d’ailleurs plutôt des pèlerines, à la chapelle d’Arbault  ?

Certes, on s’y rendait à la fête de la Visitation, le 31 mai. Cependant, ce n’est peut-être pas là l’essentiel. Natif de Sacy, le célèbre Restif de la Bretonne, âgé de trois ans, y fut amené, avec ses sœurs, par ses parents. On implorait la Vierge pour la protection des jeunes enfants. Mais il y a plus ; écoutons le témoignage que nous livre l’écrivain en 1794, dans “Monsieur Nicolas” :

“… Jacquot partit pour Saint-Michel en Basse-Normandie… Ce pèlerinage est celui des garçons de quinze à seize ans, comme celui de Sainte-Reine, qui n’est que de quatorze lieues, est celui des jeunes filles… Un garçon qui n’avait pas été à Saint-Michel était regardé comme un couard ; il paraissait manquer quelque chose à la pudeur d’une jeune fille qui n’avait pas encore visité le tombeau d’une vierge aussi attachée à la virginité que la belle Reine d’Alise […] Cependant, en cas de maladie ou de faiblesse habituelle, le pèlerinage d’Harbeaux ou d’Herbeaux remplaçait celui de Sainte-Reine […]. Il est à observer qu’à Sacy, il était défendu aux amoureux d’accompagner leur promise à ce pèlerinage virginal qui se faisait aux fêtes de Pentecôte”.

Les jeunes filles devant se marier venaient demander à Marie de leur assurer fécondité et donc descendance. Les archives signalent en outre de nombreux cas de “répit”. Rien de plus terrible alors, pour des parents, que de perdre un nourrisson mort sans baptême. Il n’est pas damné, mais demeure aux limbes jusqu’au retour final du Christ. On implore alors la Vierge en déposant l’enfant sans vie à ses pieds. Si Dieu le veut, et par l’intercession de Marie, le nourrisson frémit alors, le temps de l’ondoyer avant de l’inhumer.

La chapelle a disparu en 1793, mais la statue de Notre-Dame d’Arbault, rapatriée dans l’église de Cravant, est restée objet de dévotion, comme le montrent les nombreux ex-voto du XX^e siècle fixés aux murs de la chapelle qui l’abrite de nos jours dans l’église.

Patrice Wahlen

Prière

"Ô Notre-Dame d'Arbaud
qui avez autrefois manifesté bien souvent votre protection par des faveurs nombreuses et miraculeuses envers les pèlerins qui venaient en foule vous prier ici avec foi,
daignez aujourd'hui bénir et exaucer avec la même bienveillance ceux que leur piété ramène à vos pieds et qui vous implorent avec confiance.

Notre Dame qui avez ressuscité tant de petits enfants pour qu'ils fussent baptisés et sauvés, convertissez nos âmes, priez pour nous, sauvez-nous, protégez-nous, rendez à Cravant la foi des temps passés.”

Notre-Dame chez nous, chanoine Paul Mégnien, 1958, p. 107

Article paru dans le dossier "Contemplons la figure de Marie" de la revue diocésaine Église dans l'Yonne - ÉDY, d'avril 2021.