Avent 4B 2023 : À l’école des pauvres de Dieu pour accueillir Jésus Christ qui vient. — 18. Paroisse Sainte-Reine - Auxerre Val de Baulche

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Avent 4B 2023 : À l’école des pauvres de Dieu pour accueillir Jésus Christ qui vient.

En Israël il y avait une catégorie, non sociale mais spirituelle qu’on appelait le petit reste ou anawim, les gens qui comptaient uniquement sur Dieu. Ils avaient plusieurs noms: les «courbés», les «inclinés» [vers Dieu], les petits, les faibles, les humbles, les affligés, les doux. Seuls les pauvres de Yahvé pouvaient accueillir Dieu.

 Il ne s’agissait pas nécessairement de ceux qui étaient en manque de ressources matérielles ou d’argent mais de ceux qui avaient un désir inassouvi de Dieu. Mais on dirait que les pauvres socialement peuvent comprendre ce langage bien qu’il ne soit pas toujours évident. Il y a ceux qui sont au bas de l’échelle dans nos sociétés qui détournent leur regard à Dieu. Les anawim étaient totalement tournés vers Dieu et détournés vers les créatures. Pour eux, la pauvreté matérielle ne doit pas être une condition mais un moyen pour se donner à Dieu. Dans la plupart des cas, ils se privaient de ce qui attirait les autres. Ils n’existaient que pour Dieu. Ils étaient en position d’écouter Dieu et de faire sa volonté. En eux, il y avait les vertus comme la piété, la douceur, l’humilité, l’innocence, la crainte de Dieu, la justice, etc. C’est ce qui est raconté dans ce Psaume 33: «Un pauvre crie; le Seigneur entend: il le sauve de toutes ses angoisses: Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris.… Le Seigneur entend ceux qui l'appellent: de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l'esprit abattu.» Ce sont les gens comme la Vierge Marie, Jean Baptiste, Joseph, Élisabeth et Zacharie, Siméon, Anne qu’on raconte dans l’enfance de Jésus Christ. En eux, il y a le contraire de l’orgueil, de la démesure et de la violence, ils sont des bienheureux au sens de l’Évangile de Jésus sur la montagne.

1. Ils sont petits, humbles et non violents

Les gens qui attendent l’intervention de Dieu, ils  ne se découragent jamais. Ils ne tombent pas à cause des temps difficiles de pauvreté, de misère, de guerre, de famine, des catastrophes diverses. Ce sont des pauvres face à la vie, sans appui, sans défenseur autre que Dieu et crient vers lui. Ils ne se détournent jamais du nom de Dieu, ils ne courent pas derrière des dieux qui ne sauvent pas et qui ne consolent pas.  Leur unique espérance est le nom de Dieu qu’ils proposent aux autres comme leurs secours. «Je laisserai en toi un peuple petit et faible qui t'abritera dans le nom de Yaweh.» (So3, 12) Ils ne sont pas nécessairement nombreux et l’auto-défense n’est pas la cause de leur survie mais la puissance de Dieu. «Ta force n'est pas dans le nombre, ni ta puissance dans les forts, mais tu es le Dieu des humbles, le secours des petits, protecteur des faibles, le défenseur des abandonnés, le sauveur des désespérés.» (Jdt9, 11)

            Les pauvres de Yahvé sont les premiers à suivre Jésus à l’image des pauvres pécheurs de Galilée, de la pauvre veuve indigente mettant dans le tronc une obole, de la pauvre veuve réclamant quotidiennement justice auprès du juge impitoyable, du pauvre Lazare, des pauvres aveugles, des boiteux, des paralytiques, des lépreux qui attendent la guérison. Ils sont comme le publicain du temple qui souffre de ses péchés et de l’accusation du publicain (Lc18, 9-14) ou le riche Zachée qui en plus de sa petite taille se fait petit comme un enfant qui fait spectacle en courant et grimpant un arbre devant une multitude pour voir Jésus qui allait passer (Lc19, 1s).  

            Dieu est Esprit. Ceux qui accueillent le Messie sont des pauvres en esprit et ils crient vers Dieu pour leur donner sa vie spirituelle. Ils ne se gonflent pas, ils sont doux, humbles, miséricordieux, ils se font violence en souffrant intérieurement au lieu de faire violence aux autres. Ils ne rendent pas les coups qu’ils reçoivent, ils bénissent ceux qui les maudissent à l’exemple du premier martyr qui implorent la miséricorde de Dieu pour eux «Seigneur, ne leur compte pas ce péché.» (Ac7, 60)  Ils reconnaissent leur faiblesse et leur limite. Ils sont pauvres parmi les pauvres, leur seul mérite est qu’ils savent que Dieu est riche en miséricorde. «Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. «Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.» (Lc15, 19-20) dit l’enfant prodigue en demandant pardon à son père qui le lui accorde sans rien exiger.

2. De la pauvreté matérielle à la pauvreté de cœur pour accueillir le Christ

La pauvreté matérielle en soi n’a rien de séduisant. Elle est un mal à combattre, elle empêche la réalisation et l’intégration des gens. Elle retient ces clients en dépendance et en souffrance permanente. Le pauvre socialement est le synonyme d’un mendiant de pain qui souhaite être rassasié de ce qui reste de la table du riche. Humainement, il n’a pas d’avenir, il est victime de tous les aléas de la vie. Ce pauvre est condamné à se taire car il n’a pas d’espace et de moyen de hausser sa voix pour crier sa souffrance. Il n’y a rien d’éloge dans cette pauvreté; il faut passer des jours et des nuits sans manger, passer des hivers sous les étoiles et louer la pauvreté. La pauvreté imposée par la vie est donc une croix pesante et ceux qui la portent ont besoin d’être secourus. On peut choisir à passer des jours et de nuits sans rien manger, on peut choisir à dormir à terre sans couverture mais que l’autre ou la vie impose une telle vie est une chose inacceptable. Il faut secourir ceux qui traversent cette situation enfin que ça ne soit pas tard car Dieu nous a confié sa richesse pour un usage commun. Pour le Pape François, il faut tout faire pour aider les gens à sortir de la pauvreté.  

            La pauvreté qui est une vertu est celle qu’on choisit librement. Elle est donc un détachement. Cette pauvreté n’est pas l’apanage du Christianisme, elle était pratiquée dans l’Hindouisme très antique et dans le Bouddhisme ainsi que dans la philosophie grecque comme une valeur pour atteindre un degré élevé de l’existence humaine. Au moment où la pauvreté imposée est une soumission, celle qui est un détachement est une élévation. Dans l’Église catholique, certains prêtres et religieux font un vœux de pauvreté qui est  une pauvreté extrême qui prônent un «détachement intérieur» pour avancer sur le plan spirituel. Ces pauvres volontaires nous apprennent à apprécier les choses pour leur valeur intrinsèque. Dans un monde dans lequel une minorité contrôle presque toute la richesse, où la cupidité et le matérialisme constituent une menace pour tous, il est plus que jamais nécessaire de réintroduire cette notion de détachement et une vision plus équilibrée des richesses et de la propriété. Il faut savoir vivre de l’essentiel et non de superflu pour assurer le partage et la solidarité. Il ne faut pas laisser les pauvres à leur sort mais les aider et leur assurer une survie digne. Cette nouvelle forme de pauvreté sert donc à imiter la vie de Jésus et de le suivre de plus près.

            Comment changer la tendance pour faire de la pauvreté une attitude d’âme afin d’avoir la soif et la faim de Dieu? Est-ce qu’il faut être riche pour devenir ensuite un pauvre qui cherche Dieu, afin d’accueillir Jésus? Tous les pauvres matériellement ne sont pas des pauvres de Yahvé au sens strict du terme mais ils peuvent le devenir. Avant tout, il faut lutter pour avoir un minimum pour vivre, sans la vie rien ne va. À partir de ce minimum, on peut chercher encore ce qui est supérieur, la vie en communion avec Dieu. Ceux qui ont le minimum vital peuvent devenir les pauvres de Yahvé en vivant de la providence divine. Ceux qui laissent tout volontairement peuvent aussi vivre de cette providence ainsi ils peuvent accueillir Jésus dans cette vie où le lendemain ne repose qu’en Dieu. Celui qui abandonne sa richesse devient riche dans sa relation avec Jésus. C’est ce que Jésus demande au jeune homme riche. «Une seule chose te fait encore défaut: vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi.» (Lc18, 22)

 

3. Quelques figures des pauvres de Yahvé

a. Saint François d'Assis

Il est surnommé «il Poverello d’Assise» ou le petit pauvre d’Assise. Issu d’un milieu de nouveau riche, où l’argent était considéré comme la plus sûre valeur, il s’était dépouillé publiquement de ses biens, en présence de l’évêque d’Assise et en renonçant même à dépendre en quoi que ce soit des biens de sa famille. Il a contraint ses premiers compagnons à faire de même, il recherchait la compagnie des pauvres et des mendiants. Quand il écrivit, en peu de mots, une Règle de vie, il prescrivit aux Frères de n’avoir aucun bien, de ne toucher aucun denier, et même de mépriser l’argent. Plusieurs fois il renvoya de la fraternité ceux qui ne voulaient pas pratiquer ce refus de l’argent.

b. Les pauvres de Lyon et les Humiliés de Lombardie

Il convient de rappeler cependant que la recherche d’une vie pauvre, selon «l’Évangile» n’était pas une spécificité franciscaine. Au XIIè siècle apparut à Lyon un mouvement évangélique populaire fondé par Vaudès, peut-être né à Vaulx-en- Velin. Il s'établit à Lyon où il fit fortune dans le commerce. Frappé de la mort subite de l’un de ses amis dans une réunion de plaisir, il décida, vers 1170, de renoncer au monde, abandonnant femme et enfants. Il vendit tous ses biens et partagea sa fortune en quatre quarts: une partie pour sa femme, une pour ses filles, une pour ceux qu'il pensait avoir lésés et une pour les pauvres. Il commença une nouvelle vie pour son salut, en se conformant ainsi à la parabole du jeune homme riche (voir Mt19, 16-30. Il se consacre à la prédication de l’Évangile sans être prêtre. Il créa un mouvement laïc, les  «Pauvres de Lyon» radical dans son choix de simplicité, des «hommes nus qui suivent un christ nu.» Le mouvement fut condamné comme hérétique en 1215.

            Dans la même époque des pauvres en Italie, il y avait des humiliés de Lombardie qui pratiquaient la pauvreté volontaire et de prêcher la pénitence, sans aucun vœu et obligation de vie commune. Ils demandèrent l’approbation de leur mode de vie au pape en 1178. Mais c’était le Pape Innocent III qui approuva finalement leur mode de vie en 1201, d’abord comme «Poveri Cattolici» en 1208, et des Poveri Lombardi en 1210. Les humiliés de Lombardie disparurent sous le pape Pie V, le 8 Février 1571.

c. Saint Charles de Foucauld

A propos de la pauvreté et des pauvres, Charles de Foucauld souligna. «Ne méprisons pas les pauvres, les petits... Ne cessons jamais d’être en tout des pauvres, des frères des pauvres, des compagnons des pauvres, soyons les plus pauvres des pauvres comme Jésus, et comme lui, aimons les pauvres et entourons-nous d'eux.» Il était prédisposé à tout réussir mais il choisit de tout laisser pour suivre le Christ au milieu des musulmans. Il décida une vie radicale pour le Christ. Il choisit l’érémitisme au fond du désert. Abnégation, pénitence, abandon à la Providence, voilà sa façon de témoigner de Jésus. 

d. Sainte Thérèse de Lisieux

Elle est surnommée «la petite Thérèse». Ces propres mots de Thérèse montrent combien être petite était un choix noble dans sa vie. «Je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi, je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir, et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Éternelle: Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu! ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé: – Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux! Ah! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. Ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes.»

            On s’étonne de la vie toute petite de Thérèse mais grande devant Dieu: «Je crois bien que c’est la première fois depuis que le monde est monde qu’on canonise une sainte qui n’a rien fait d’extraordinaire : ni extase, ni révélations, ni mortifications qui effraient les petites âmes comme les nôtres. Toute sa vie se résume en ce seul mot: elle a aimé le Bon Dieu dans toutes les petites actions ordinaires de la vie commune, les accomplissant avec une grande fidélité. Elle avait toujours une grande sérénité d’âme dans la souffrance comme dans la jouissance, parce qu’elle prenait toutes choses comme venant de la part du Bon Dieu.» (cit. Sœur Marie de la Trinité, Une novice de sainte Thérèse, Cerf).  

e. Sainte Bernadette Soubirous

Bernadette Soubirous s’est caractérisée par la petitesse, la joie dans les épreuves et la simplicité surtout chez les sœurs de la charité de Nevers comme religieuse. D’après Sœur Marie-Bernard une de ses consœurs, «Bernadette avait une piété aimable, simple, sans aucune singularité. Elle était très régulière, ne manquait pas au silence, mais était aux récréations, d’une gaieté charmante. Elle n’aimait pas la piété grimacière...

            Quand on lui demandait si cela ne l’ennuyait pas d’être loin de Lourdes, elle répondait: «Je ne suis pas à plaindre, j’ai vu quelque chose de beaucoup plus beau». «Si tu savais ce que j’ai vu de beau là», dit-elle un jour à sœur Duboé. «Quand on l’a vue, on n’aime plus jamais la terre».

            Mais sainte Bernadette ne tira jamais de ces apparitions l’idée qu’elle avait des droits spéciaux pour le ciel. À une supérieure qui lui demandait un jour si elle n’avait pas éprouvé quelques sentiments de complaisance en voyant les faveurs que la Vierge lui avait faites elle répondit: «Que pensez-vous de moi? Est-ce que je ne sais pas que si la Sainte Vierge m’a choisie, c’est parce que j’étais la plus ignorante? Si elle en avait trouvé une plus ignorante que moi, c’est elle qu’elle aurait prise» (voir des actes du Procès de sa Canonisation).

Conclusion

Jésus vient vers nous en se dépouillant de sa richesse. Dans le mystère de Noël, l’enfant de la grotte de Bethléem est le symbole de la petitesse, de l’humilité et de la pauvreté. Il est accueilli d’abord par ses parents, la Vierge Marie et Joseph qui n’ont rien de grandeur à part la confiance en Dieu. Ils trouvent en Jésus, la faveur extrême de Dieu. Tout ce qui les entoure est vraiment petit et humble en commençant par leur village de  Nazareth, un bourg de quelques habitants, leur occupation quotidienne et leur petitesse intérieure. Ils sont vraiment les pauvres de Yahvé.

            À part les parents de Jésus, les autres qui vont trouver en lui la joie et la délivrance sont du même  moule que ses parents, ceux qui ne s’éloignent pas de Dieu et qui ne font qu’offrir en sacrifice leur existence. Anne et Syméon vont accueillir le Messie car en eux il y avait une attente qui s’est transformée à un désir  que seul l’Esprit-Saint comble. Leur vide a été rempli, ils sont contents de ce privilège de rencontrer le Sauveur.  Le temps de l’Avent, l’Église nous exhorte à chercher Jésus et à le retrouver car il vient vers nous. Pour le rencontrer, il faut se dépouiller de tout comme il s’est dépouillé de sa grandeur pour devenir l’un de nous. Qui se ressemble s’assemble. C’est en devenant humble, petit et doux qu’on embrasse celui qui s’est fait petit     pour donner la joie à ceux qui espèrent la délivrance de tous bords. Vivons donc comme les pauvres de Dieu dans la prière, la pénitence et la charité.