V. Ni la mort, ni la souffrance ne peut pas être une punition de Dieu. — 18. Paroisse Sainte-Reine - Auxerre Val de Baulche

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V. Ni la mort, ni la souffrance ne peut pas être une punition de Dieu.

Dieu ne peut pas se comporter comme des humains qui répondent au mal par un autre mal, à la souffrance à une série des souffrances et la mort à la mort. La réaction de Dieu c’est celle de l’amour, du pardon, de la paix et de la miséricorde

INTRODUCTION
La semaine passée, quelqu’un du groupe de ma jeunesse a rapporté sur notre site, ce que les prêtres ivoiriens avaient dit à propos de Covid-19, que c’est une punition divine parce que des individus et des nations vivent dans les péchés, que nos gouvernements légalisent des lois qui ne respectent pas l’ordre naturel et qui détruisent les projets de Dieu, etc. J’ai réagi directement en disant qu’étant prêtre, moi aussi, je n’adhère pas à ces opinions de mes confrères dans le sacerdoce car devant le mal, Dieu montre sa miséricorde. Dieu ne peut pas se comporter comme des humains qui répondent au mal par un autre mal, à la souffrance à une série des souffrances et la mort à la mort. La réaction de Dieu c’est celle de l’amour, du pardon, de la paix et de la miséricorde. «Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l'homme te craigne» dit un Psaume (129, 2-3) Un dieu qui se venge par la souffrance ou la mort n’est pas celui d’Israël, appelez-le l’un des dieux du panthéon grec mais pas le Dieu de Jésus Christ qui préfère mourir au lieu de faire mourir.
Dans des situations comme celles-ci où des innocents souffrent et meurent, certaines questions surgissent: Pourquoi Dieu permet-il toutes les souffrances que nous voyons dans le monde? Pourquoi permet-il des maladies comme le Covid-19 ou autres pandémies? Pourquoi permet-il des catastrophes comme les ouragans et les tremblements de terre, la sécheresse et la famine, etc.? Pourquoi permet- il les guerres et autres violences? Est-ce que dans tout cela, Dieu n’a pas pitié des faibles et des gens sans défense? En un clin d’oeil, cette pandémie s’est propagée à travers le monde à cause de la circulation qui est facile actuellement mais les premières victimes furent des personnes âgées qui sont peut-être dans des résidences, incapables de se déplacer. Dans tout cela, sachons que de Dieu ne vient pas le mal. Le livre de la Genèse nous révèle qu’à chaque création «Dieu vit que cela était bon.» (Gn1, 10.12.18.21.31)
Le mal ne vient pas de la volonté de Dieu. Dieu est toujours contre les guerres, les destructions, les désordres, etc. Cherchons ailleurs l’origine du mal mais pas chez Dieu car il est pur amour. Si le mal nous attaque, Dieu ne jubile pas, par son amour et sa compassion, lui-aussi se sent attaqué et il cherche à nous en sortir tout en nous associant dans son oeuvre.


1. LA SOUFFRANCE ET LA MORT, NOTRE LOT DE CHAQUE JOUR

1. Dieu ne se complaît pas dans les horreurs
Chaque jour, beaucoup de personnes meurent et souvent après un long temps d’une souffrance horrible. Cette dernière ne regarde pas seulement une personne concernée mais aussi son entourage qui souffre de la détresse psychologique et mentale en regardant la souffrance de l’un des leurs sans pouvoir le sauver. Souvent la souffrance des mourants se perpétue en ceux qu’ils laissent. En Afrique, par exemple, il y a des milliers des mourants du SIDA et les orphelins que cette situation génère gisent dans une souffrance sans précédent.
Il y a la pauvreté qui est le lot du tiers de la population mondiale. Le manque du nécessaire même le plus élémentaire comme l’eau potable, l’hygiène, le vêtement, un habitat digne et la nourriture, entraîne des souffrances incommensurables chez plus de deux milliards de personnes. Les conditions ne font qu’empirer chaque année. Aussi, la guerre engendre de pires souffrances en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Somalie, en Centre Afrique, au Congo, au Sud Soudan; le terrorisme dans les pays du Sahel provoque la mort, le viol, la mutilation, la destruction et la prise d’otages. Appelons ces souffrances une punition de Dieu ou des atrocités que produisent la volonté des hommes guidés par l’égoïsme, la soif du pouvoir et la folie autodestructrice.
Nous voyons enfin des tremblements de terre, des inondations, des éruptions volcaniques, des tornades, des ouragans, des tempêtes, des tsunamis et autres cataclysmes, comme les sécheresses, les infestations d’insectes dues à la température qui ajoutent leur poids à l’index de la misère humaine. Aujourd’hui, il y a le fameux Covid-19. Est-ce que Dieu se complaît dans tout cela? La réponse est non parce que Dieu d’amour ne peut pas permettre la souffrance. Avant de voir dans tout cela la main de Dieu, recherchons d’abord notre responsabilité.

2. Pourquoi alors la souffrance
Il y a une litanie routinière qui explique la souffrance et la mort disant qu’elles sont la conséquence de la désobéissance du premier couple du jardin d’Éden qui s’est laissé tromper par le diable qui voulait déjouer le plan de Dieu. Ne nous torturons pas en pensant que c’est l’homme qui a provoqué la mort. Ces personnages de la Genèse ne sont pas réels mais virtuels. Nulle part dans la bible ne dit que l’homme et la femme devraient être éternels. Nous sommes créés et dans l’ordre des choses, ce qui commence est voué à la fin et la mort est notre fin. Saint Paul traite d’insensé celui qui ne comprend pas cette signification de la mort «Insensé! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s’il meurt.» (1Co15, 36)
L’Église n’a jamais condamné celui qui meurt. Elle condamne ce qui peut provoquer la mort. On ne condamne pas un nouveau-né sous prétexte qu’il est le fruit d’un viol mais on condamne des violeurs. Il faut condamner énergiquement ce qui est à la base des morts qui endeuillent des nations. Les guerres, le terrorisme, la famine, les épidémies, les maladies, etc. sont mauvais, il faut condamner ce qui les provoque et non les victimes. Quand on ne met pas devant la justice les auteurs de ces horreurs, nous condamnons les victimes et Dieu ne tolérera pas notre attitude. Interrogeons-nous souvent aux causes de quelques effets que nous observons. Sans s’interroger sur la responsabilité humaine, on pense que la mort ou la souffrance est inévitable et on accuserait facilement Dieu d’être l’auteur. Pour Jésus c’est «Du coeur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, vols, les faux témoignages, diffamations.» (Mt15, 19) Tous ces maux énumérés par Jésus sont à l’origine de la souffrance et de la mort. Toute mort et souffrance ne sont donc pas naturelles, elles sont provoquées.
Nous sommes comme des enfants qui se salissent et quand ils commencent à se sentir mal ils pleurent en condamnant les parents de ne rien faire pour les protéger. Nous attribuons tout à Dieu parce qu’il est notre Père mais non parce qu’il est responsable.

3.Que faire dans la souffrance
Une souffrance liée à notre condition d’homme, elle est naturelle, il faut l’accueillir en acceptant que nous sommes des êtres limités. C’est le cas de la souffrance en rapport avec la vieillesse, de l’infirmité ou d’une violence sans aucune responsabilité de celui qui souffre, celle d’un innocent. Cette souffrance peut nous arracher à la première mort afin de nous conduire à la communion avec Dieu, manifestation d’une vie nouvelle. La souffrance peut donc devenir un chemin qui conduit à la résurrection mais elle demande une patience ou longanimité qui consiste à supporter ce qui fait souffrir. Il faut aussi de la foi dans notre vie. Mais si nous avons une responsabilité dans ce qui nous fait souffrir ou qui fait souffrir les autres, la parole de Dieu nous demande la conversion. «Repentez-vous donc et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés, et qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps du répit.» (Ac3,19)

II. DIEU SOUFFRE AVEC NOUS

Dieu veut que nous comprenions que même Lui souffre. L’amour est l’unique raison qui révèle pourquoi il est nécessaire pour Dieu de souffrir. Tous ceux qui côtoient des enfants comprennent la souffrance de Dieu. Lorsque vous voyez vos enfants blessés ou malades, comment vous sentez-vous? Cela vous chagrine-t-il n’est-ce pas? N’éprouvez-vous pas de l’angoisse à cause de leurs souffrances? Dieu est pareil. Il est un Père qui a des enfants. Lorsque ses enfants lui désobéissent, en se faisant mal par surcroît, lui aussi ressent de la douleur et du chagrin.

1. Le paradoxe de la souffrance de Dieu
La souffrance de Dieu est compréhensible à partir de la souffrance de Jésus. Voilà ce que nous dit le grand théologien allemand Jürgen MOLTMANN (8/4/1926 -) dans son livre «Le Dieu crucifié» (1974: 280) «On doit parler d’une manière trinitaire pour comprendre ce qui s’est passé à la croix entre Jésus et son Dieu et Père. Le Fils souffre de mourir, le Père souffre de la mort du Fils. La douleur du Père est ainsi de même poids que la mort du Fils. (…) si Dieu s’est constitué comme Père de Jésus Christ, alors dans la mort du Fils, il souffre aussi la mort de son être paternel.» Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens déclare «Nous prêchons un Messie Crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens.» La souffrance de Dieu contredit toutes les théories que nous connaissions sur Dieu.
Dieu est impassible. Cet épithète provient de la racine gréco-latine «pathi» qui signifie souffrir. Une passion est une émotion subie par l’homme. Imaginez si Dieu était passible; s’il était soumis aux passions comme nous, nous ne pourrions avoir aucune assurance en sa faveur. Dieu n’est pas temporel, mais il est éternel; Dieu n’est pas fini, mais infini. Dieu n’a pas des passions, mais des perfections. Une passion est une émotion imparfaite et changeante tandis qu’une perfection est une émotion qui ne peut pas être améliorée. En Dieu, il ne peut pas y avoir aucun trouble, aucune émotion, il est sang- froid. Rien ne peut pas l’affecter, ni la souffrance ni la mort. Il ne connaît aucune corruption. Mais en Jésus, Dieu prend la compassion de ceux qui souffrent. «Lorsque il vit pleurer … aussi les juifs (…) Jésus pleura» (Jn11, 33. 35)

2. La passion et la mort de Dieu : une folie d’amour
La Théologie de la Croix dit que la souffrance et la mort de Dieu sont un drame ou une tragédie. Si Dieu souffre, c’est uniquement pour une raison «Il souffre d’une passion d’amour» disait Origène (185-253). Dieu ne cache pas sa passion, tout l’univers peut sentir ce qui se passe. c’est ce que saint Luc essaie de décrire en parlant de la mort de Jésus «C’était déjà presque midi et il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures, le soleil ayant disparu. Alors le voile du sanctuaire se déchira par le milieu.» (Lc23, 44-45) Les hommes qui tuent leur Créateur, les pécheurs qui tuent leur Sauveur, un pot qui tue son potier, il n’a autre tragédie que cela mais Dieu l’accepte à cause de son amour.

3. La volonté divine de souffrir
La souffrance de Dieu ne signifie pas qu’il est limité, qu’il est incapable d’échapper à la souffrance. Jésus, vrai Dieu et vrai homme a souffert et il est mort sur la croix par sa volonté «Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.» (Ph2,6-8) Nous les humains, nous souffrons et nous mourons parce que nous sommes limités. Nous avons connu un commencement et ce qui commence doit finir. C’est la loi de la nature. Tous les scientifiques sont unanimes tout ce que nous voyons ou tout ce qui existe, un jour finira. La mort et la passion de Jésus ne sont pas liées à sa nature mais à sa mission. Elles sont la conséquence de son ministère. Sa mort n’est pas signe de sa finitude mais un choix.


III. DIEU TRANSFORME NOS SOUFFRANCES ET NOTRE MORT

Dans la résurrection de Jésus Christ la souffrance se transforme en Joie et la mort en Vie. Ses souffrances et sa mort l’ont amené à la perfection, l’ont rendu glorieux en tant que Fils de Dieu. C’est dans cette glorification qu’il sauve les hommes. L’épître aux Hébreux le souligne «Après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel.» (He5, 9) En Jésus, les souffrances ne nous diminuent pas, elles nous transforment en nous identifiant à lui qui est mort et ressuscité.

1. La transformation de la souffrance en espérance
Nous devons tout faire pour surmonter la souffrance, mais l’éliminer complètement du monde n’est pas dans notre pouvoir parce que nous ne pouvons pas nous extraire de notre finitude et parce qu’aucun de nous n’est en mesure d’éliminer le pouvoir du mal qui est continuellement source de souffrance. Dieu seul pourrait le réaliser: seul un Dieu qui entre personnellement dans l’histoire en se faisant homme et qui y souffre. Ce Dieu existe et donc ce pouvoir qui «enlève le péché du monde» (Jn1, 29) est présent dans le monde. Par la foi dans l’existence de ce pouvoir, l’espérance de la guérison du monde sont apparues dans l’histoire. Mais il s’agit précisément d’espérance et non encore d’accomplissement; espérance qui nous donne le courage de nous mettre du côté du bien même là où cela semble sans espérance.

2. La transformation de la souffrance en amour
Jésus nous révèle ce que c’est souffrir pour les autres. Souffrir avec l’autre, pour les autres; souffrir par amour de la vérité et de la justice; souffrir à cause de l’amour et pour devenir une personne qui aime vraiment; ce sont des éléments fondamentaux d’humanité; leur abandon détruirait l’homme lui-même. Mais encore une fois surgit la question: sommes-nous capables de souffrir pour l’amour du prochain?
Le prochain est-il suffisamment important pour que je devienne pour lui une personne qui souffre? La promesse de l’amour est-elle si grande pour justifier le don de moi-même? Jésus recommande cet amour qui se traduit en souffrance «Nul n’a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis.» (Jn15, 15) La foi chrétienne nous a montré que vérité, justice, amour ne sont pas simplement des idéaux, mais des réalités de très grande densité. Elle nous a montré en effet que Dieu – la Vérité et l’Amour en personne – a voulu souffrir pour nous et avec nous. En Jésus la souffrance peut devenir signe de l’amour pour Dieu et pour le prochain. Soulignons ici les paroles magnifiques du père Jésuite François VARILLON (1905-1978) «Dans l’ordre de l’amour, la souffrance est le sceau de la perfection.»

3. La transformation de la souffrance ou de la mort en vie
A maintes reprises Jésus dit à ses disciples la mort qui se transforme en vie. «En vérité, en vérité, je vous le dis: Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. Mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.» (Jn12, 24) Il a promis la vie éternelle dans le monde à venir à ceux qui auraient tout quitté pour lui et pour la bonne nouvelle. Il faut comprendre l’enseignement de Jésus. Il ne demande pas de haïr la vie, de se suicider mais de haïr le mal qui est principe de mort. Celui qui croit aimer la vie, alors qu’il fait le mal, détruit ce qui est, en lui, capacité de vie éternelle. Mais celui qui meurt en défendant la vie et autre valeur, sa mort se transforme en vie éternelle.
On vit en mourant et on meurt en vivant. La vie donnée par Dieu est pour aujourd’hui. «Qui croit au Fils a la vie éternelle» (Jn3, 36) Jésus nous apprend qu’en souffrant, on ne perd pas la vie mais on la gagne. Dans la vie de chaque jour, dominée souvent par la souffrance, on peut gagner ou perdre la vie selon notre choix. L’apôtre Jean renchérit: «Je vous ai écrit ces choses, à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu, pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle.» (1Jn5, 13) C’est cela que Jésus voulut révéler Marthe, la soeur de Lazare, en la consolant «Je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra, et quiconque vit et crois en moi ne mourra jamais.» (Jn11, 25-26)
La souffrance et la mort qui sont inévitables chez l’homme ne visent pas nécessairement à l’anéantir, elles peuvent transformer son pauvre corps ou sa pauvre vie en une vie glorieuse. Nous connaissons des hommes et des femmes immortalisés par leur mort atroce et violente alors que ceux qui les faisaient souffrir cherchaient à les faire taire. Le triomphe de Jésus sur sa propre mort donne victoire à ceux qui souffrent en utilisant les moyens que lui-même a utilisé et en ayant confiance en lui.
Conclusion La souffrance et la mort continuent à nous interroger sur le pourquoi existent-elles. Est-ce que c’est une épreuve que nous devons tous passer pour entrer dans sa gloire? Je croix que la réponse est non. Tous les élus de Dieu n’ont pas tous subis un martyre de sang. On peut vivre heureux, sans souffrance ni autres difficultés jusqu’à un âge tout en étant fidèle à Dieu et à son amour. Dieu n’aime pas la souffrance ni le sang. Il est contre les sacrifices humains, seul celui de son Fils, Jésus Christ, est suffisant pour le salut du monde. Ceux qui pensent que la souffrance et la mort sont une punition de Dieu se trompent, de quel Dieu s’agit-il vraiment ? Je ne cesserai pas de le répéter, devant un mal, un mauvais geste ou un péché, le regard miséricordieux de Dieu ne change pas. En Jésus Christ, Dieu au lieu de faire souffrir préfère la souffrance, au lieu de faire mourir choisit la mort. Un tel Dieu ne peut pas permettre la souffrance et la mort de ceux auxquels il a payé cher pour les sauver. Dieu est contre tout ce qui provoque la souffrance et la mort mais malheureusement derrière celles-ci nous y trouvons la complicité humaine. Malgré tout Dieu cherche à redresser la situation en collaborant avec tous les assoiffés du bien et de l’amour