"Combien de temps… ?" Ps 12,2 — Diocèse de Sens & Auxerre

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"Combien de temps… ?" Ps 12,2

Édytorial de la revue diocésaine d'avril 2020, par Mgr Hervé Giraud

"Tuer le temps, trouver le temps, perdre son temps, donner son temps… ?"  En ce temps d’évolution rapide de la pandémie du Covid-19, le virus prend son temps et transforme le nôtre. Tous nos rythmes de vie paraissent aujourd’hui perturbés. Mais dans quel temps vivons-nous ?

À ceux pour qui les journées à la maison semblent longues, il faut tuer le temps, se divertir, regarder des films, jouer en famille. Mais cela n’a qu’un temps. À ceux qui ne voient pas le temps passer, il faut trouver le temps de soigner tous les malades, de faire face à un afflux de travail pour continuer à faire vivre le pays, de télé-travailler tout en faisant, en même temps, la classe aux enfants. Et puis certains ont besoin de prendre le temps et parfois de différer ce qui n’est pas urgent. Édith Stein, sainte Bénédicte de la Croix, en faisait le constat : "Dès le matin, lorsque nous nous réveillons, les devoirs et les soucis de la journée veulent déjà se jeter sur nous. (…) Comment tout cela peut-il trouver place en une seule journée ? (…) Il faut prendre ici les rênes en mains et dire : tout doux ! (…) Ma première heure du matin appartient au Seigneur.". Il faut parfois perdre son temps pour en gagner.

Sans même chercher à jouer avec les mots, force est de constater que nous employons de multiples expressions qui traduisent toute l’étrangeté du temps, compagnon inséparable de l’humanité. Mais notre temps si singulier est aussi pluriel. On le réalise notamment en évoquant la fin des temps. Et il est vrai que nous pourrions distinguer pour ce qui nous concerne bien des formes particulières du temps : chronologique, spirituel, liturgique.

Le temps chronologique, sur lequel personne n’a prise, est le plus évident. Il s’écoule de la même manière pour tous, comme une durée incompressible et inextensible. Dans son mouvement, il rend possible nos activités et leur impose une limite. Il nous oblige à être à l’heure sur le quai de gare ou au travail. Nous n’en avons pas la maîtrise : l’homme ne peut ni accélérer le temps ni l’arrêter. Et nous vivons tous dans un temps fini qui ne reviendra pas. Tout instant de la vie humaine est vécu une fois pour toujours, une fois à tout jamais, pour la première et la dernière fois. Ce temps nous est ainsi donné : l’inéluctable finitude de notre vie traduit cruellement combien il est irrévocable. Ainsi chaque instant vécu est un mourir anticipé.

Mais l’homme peut s’ouvrir à un temps spirituel. C’est le temps de Dieu : nous vivons dans l’éternel présent de son amour. Il nous revient d’entrer dans ce temps qui est le sien, celui qui nous indique que nos priorités peuvent être relatives, que le moment favorable est à saisir. Et c’est alors le temps liturgique qui nous aide à entrer dans ce temps de Dieu : nos cycles liturgiques indiquent que le mystère pascal ne cesse d’opérer, que Pentecôte soufflera un véritable "Esprit du temps". Et c’est avec la grâce de cet Esprit que nous pouvons réellement "vivre avec notre temps", non pour chercher à être à la mode, mais pour apprendre à vivre avec tous les temps qui sont liés en nous pour le service des autres.

Car s’il y a un temps qui ne souffre pas de retard, c’est bien celui du service du prochain. Saint Vincent de Paul l’expliquait très simplement : "Il ne faut pas du retardement en ce qui est du service des pauvres. Si, à l’heure de votre oraison le matin, vous devez aller porter une médecine, oh, allez-y en repos. Offrez à Dieu votre action. (…) S’il y a un sujet légitime, c’est bien le service du prochain, car ce n’est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu." Cette pandémie fera peut-être advenir un autre temps pour d’autres mœurs. Chaque vie a ses passages, ses Pâques, et les carêmes même les plus rudes s’ouvrent toujours au temps de Pâques. Aidons-nous à passer le temps, à passer les temps, et surtout à donner notre temps, avec d’autres et pour les autres. Nous redécouvrirons alors que notre temps ordinaire est toujours un temps de grâce.

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