Tout recommence ? — Diocèse de Sens & Auxerre

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Tout recommence ?

Édytorial de la revue diocésaine de septembre 2019, par le père Joël Rignault, vicaire général.

Même si un chant liturgique semble signifier qu’en Jésus-Christ il est toujours possible de se tourner positivement vers l’avenir et que le Seigneur est toujours prêt à renouer un lien de confiance avec lui, il n’empêche que je regrette que le refrain affirme que tout recommence ! Certes, nous sommes entrés dans une nouvelle année pastorale, mais précisément rien ne recommence de façon identique. Les élèves ont effectué leur rentrée ainsi que la communauté éducative, mais ce serait très dommageable pour les enfants et les éducateurs d’aller s’imaginer que tout recommence : cela fermerait aux enfants la possibilité d’apprendre et de progresser et aux éducateurs, cela nuirait à leur capacité d’accompagner les enfants dans leurs spécificités.

Il est indispensable de quitter cette représentation cyclique de l’histoire où l’on penserait qu’il en va de notre pèlerinage sur cette terre comme du cycle des saisons. Notre vie chrétienne va dans une direction : celle du Royaume. L’Église, la révélation peuvent grandement nous aider à nous orienter en direction de ce Royaume. Pour le chrétien, la terre n’est pas un univers carcéral dont il est impossible de s’échapper. Effectivement, il y a les contraintes de notre existence, de notre condition corporelle, de nos responsabilités, de nos croix parfois assez lourdes à porter, des croix qui sont des poids que nous n’avons pas choisis, mais c’est bien parce que notre cœur va être éveillé que nous allons être en capacité de percevoir les nouveaux appels et la présence encourageante de celui qui nous a promis d’être avec nous jusqu’à la fin des temps. Je suis toujours surpris de constater qu’à de multiples reprises les évangiles nous lancent l’appel à rester éveillés. Elles sont nombreuses les paraboles où il est question de cette veille pour être présent et réactif lorsque le maître viendra, lorsque l’époux viendra. Rester éveillé, c’est croire et être convaincu que quelque chose de nouveau peut arriver. Dans la Bible, nous réalisons combien le Seigneur prend l’initiative de venir à notre rencontre. Il prend l’initiative de nous créer, de renouer l’alliance quand c’est nécessaire ; il prend l’initiative de nous pardonner et en Jésus-Christ de nous sauver.

Chaque année, une nouvelle aventure spirituelle nous attend. Nous serons bousculés par bien des événements où il nous faudra réagir de façon évangélique : rien n’est écrit d’avance. Peut-être que notre expérience nous aide à appréhender les situations avec une certaine expertise, mais en aucun cas ça ne peut être un prétexte pour mettre en sommeil notre intelligence et notre capacité d’identifier un nouveau message ou un nouvel aspect du mystère de la foi ou du réel. Cette disponibilité spirituelle, intellectuelle, que nous apprenons auprès de la Vierge Marie, est nécessaire pour percevoir “les signes des temps” (Constitution Gaudium et Spes), pour reprendre une expression conciliaire. Sur le plan intellectuel, nous pouvons élaborer des grilles d’analyse, des typologies, des schémas de pensée, mais cela ne doit pas être au détriment d’une perspicacité pour identifier une nouveauté qui ne rentrerait pas dans nos catégories. C’est sans doute à ce prix que nous éprouverons une réelle joie lors de nos rencontres dans le cadre pastoral. Une rencontre peut être fondatrice dans un itinéraire de foi, si nous renonçons à cette idée que tout recommence, qu’il n’y a rien de nouveau, que nous n’allons rien apprendre, que nous savons tout cela.

Le pape François nous alerte fréquemment sur le péril de l’acédie, ce sentiment qui entraîne à la lassitude, à la tristesse. Rien de nouveau, tout recommence, à quoi bon se mobiliser, il suffit de faire son devoir… comme il est urgent de se libérer de ce fléau qui consiste à s’installer dans cet état d’âme ! Si je rencontre mon frère en l’écoutant à la façon du Christ, si j’accepte de prendre du temps pour rencontrer le Seigneur dans l’oraison, le silence intérieur, si j’écoute la Parole de Dieu, pas seulement pour en faire une œuvre d’érudition mais une occasion de conversion, alors je comprendrais mieux que rien ne recommence et que cela, loin d’être insécurisant, est d’abord source de jeunesse et d’élan spirituel que saint Paul suppliait de ne jamais briser (Rm 8).

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