Peut-on croire sans s’émerveiller ? — Diocèse de Sens & Auxerre

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Peut-on croire sans s’émerveiller ?

Édytorial de la revue diocésaine de mars 2020, par le père Joël Rignault, vicaire général.

Ce questionnement n’ignore pas les situations de souffrance où l’on se trouve submergé par une forte douleur. Évidemment, la traversée de la douleur s’effectue dans une sorte d’apnée où l’on espère ressortir la tête de l’eau dès que cela sera possible. Je n’oublie pas non plus toutes les situations de fragilité où l’humain se rend capable du pire. Parfois nos responsabilités nous font côtoyer toutes ces fragilités ; nous pouvons être conduits à accompagner des situations de souffrance avec une question qui prend alors beaucoup d’importance : quelle va être l’issue de cette situation ?

Oser l’émerveillement ne peut en aucun cas être oublieux de tout cela.

Notre Pape François qui s’exprime fréquemment pour alerter les consciences de tout ce qui entraîne notre monde vers la souffrance et la fragilité, n’oublie jamais cependant de remettre nos cœurs et nos esprits dans l’axe de ce qui fait vivre. À ceux qui aiment par attraction donner le goût de vivre selon l’Évangile, qui souhaitent donner envie à leurs frères et sœurs de s’approcher de la foi en vivant en Église, le Saint-Père leur dit récemment dans un petit ouvrage : “Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire”. Mais fidèlement et comme un refrain de son enseignement, il nous rappelle ce lien avec le Christ qui est la source de toute vie. “La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus” Evangeli Gaudium.

Donc pour nous remettre dans l’axe de ce qui nous fait vivre, l’apprentissage de l’émerveillement semble nécessaire. La prière des psaumes peut nous y aider grandement. Le Concile Vatican II a souhaité que les fidèles puissent participer plus facilement à la prière du temps présent appelé également : le bréviaire. C’est-à-dire apprendre à rencontrer le Seigneur, avec l’aide de la prière des psaumes. Sans doute y a-t-il là une route qui nous facilite l’entrée dans l’attitude d’émerveillement ?

Celui qui est dans la fragilité peut dire à son Seigneur : “J’aime le Seigneur, il entend le cri de ma prière, il incline vers moi son oreille. […] Le Seigneur est justice et pitié, notre Dieu est tendresse. Le Seigneur défend les petits : “j’étais faible et il m’a sauvé.” Ps 114

Je peux réapprendre à voir la nature comme un message de soutien de la part du Seigneur : “Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? Le secours me viendra du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre”. Ps 121

Dans les jours de joie, je peux, avec toute la création m’émerveiller de l’action de Dieu : “Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur : à lui, haute gloire, louange éternelle.” Dn 3

Effectivement, il nous est offert, par la porte des psaumes, un chemin qui peut nous aider à ouvrir nos yeux sur la vie du monde, avec émerveillement. Il nous sera alors plus facile de nous attarder devant les scènes évangéliques où le Christ s’émerveille face à de belles attitudes humaines. Devant l’inventivité des hommes qui peuvent être habiles, devant la foi de telle ou telle personne. Nous pensons tous à cette attitude des personnes qui astucieusement ouvrent le toit pour que le paralytique puisse être en présence de Jésus, à ce soldat qui confie la santé de son serviteur avec foi, etc…

Au fil des scènes évangéliques, il n’est pas rare de surprendre Jésus qui s’émerveille et cela ne l’empêche pas d’affronter courageusement le mystère du mal et de monter résolument et librement en direction de Jérusalem, lieu où il nous sauve par la Croix. La croix peut même devenir pour nous les hommes, le lieu par excellence de la révélation de l’immensité de l’amour de Dieu. J’aime imaginer la forte émotion de ce centurion qui dira devant le Christ en croix : “Vraiment, cet homme était Fils de Dieu”.

Lorsque nous décidons de fréquenter le Christ dans la prière et l’écoute de l’Évangile, le Pape nous dit donc fréquemment combien notre vie et notre mission prennent une tout autre dimension. Nous donnons une grande place à l’émerveillement et ainsi, nous comprenons plus aisément où est notre chemin de sainteté : “Soyez dans la joie et l’allégresse” Mt 5, 12 dit Jésus à ceux qui sont persécutés ou humiliés à cause de lui. Le Seigneur demande tout, et ce qu’il offre est la vraie vie, le bonheur pour lequel nous avons été créés. Il veut que nous soyons saints et il n’attend pas de nous que nous nous contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans consistance”. Gaudete et exsultate, n° 1

Il le dit également aux jeunes du monde entier : “Dieu t’aime, le Christ est ton sauveur…” J’ose ajouter : “émerveille-toi de cela sans te lasser…” et le Saint-Père de poursuivre : “Il est vivant et il te veut vivant !” Christus Vivit. L’énergie nécessaire pour être des “pèlerins audacieux sur cette terre” (Laudato Si’) et des citoyens du ciel est dans cette dynamique.

Que ce dossier d’ÉDY qui s’arrête sur cette attitude d’émerveillement, nous y incite, c’est tout mon souhait. Ouvrir son cœur à l’émerveillement peut nous établir dans la confiance. Se complaire dans la dénonciation du mal, rappeler des règles que l’on ne parvient pas à vivre, peut nous entraîner dans le découragement et le doute. Comme le dit l’écriture : “Choisissons la vie !” Dt 30, 15-16. ■

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