L’édito du père François Campagnac (déc. 2020 - janv. 2021)

Quels que soient notre lieu de vie, notre travail ou nos activités, en famille ou en communauté, l’année 2020 aura été pour chacun une année particulière. La pandémie mondiale a bousculé nos habitudes et nos modes de vie, et des attentats ont atteint les valeurs ou les croyances qui fondent le bien commun et le vivre ensemble. Deux périodes de confinement auront à la fois distendu les relations et suspendu le temps. Difficile encore en ce début d’année de mettre en place de nouveaux projets et de tisser des liens de proximité, de fraternité.

A une époque médiatique où toutes les opinions se valent, même les plus incompétentes ou contradictoires, qu’elles soient scientifiques, politiques, économiques…, où l’hyperréactivité émotionnelle des réseaux sociaux relativise tout jugement rationnel ou effort de discernement, à qui faire confiance et comment envisager l’avenir ? Dans une société qui n’espère plus d’horizon au-delà de la vie terrestre, des revendications consuméristes sont venues dérégler notre raison, avec un désir d’immédiateté obsessionnel…

Il est vrai que cette crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant plusieurs mois est sans précédent : non seulement parce que la pandémie touche toute la planète, mais aussi parce que ses impacts rejaillissent sur d’autres crises déjà présentes : environnementale et climatique, économique et sociale, migratoire et identitaire. Au lieu qu’une crise succède à une autre, celle-ci révèle combien chacune affecte les autres. Comme le dit le pape François dans son encyclique Laudato Si : « Tout est lié ! »

Publiée il y a cinq ans, cette encyclique peut-elle être une boussole pour le monde de l’après-Covid-19 ? Quelles clés nous donne-t-elle pour construire le monde d’après ? Comment peut-elle nous aider à relire la crise sanitaire dont nous sortons à peine, relecture absolument nécessaire pour bâtir ensuite un monde durable ? Quelle part les chrétiens peuvent-ils prendre à cette reconstruction ?

Certes ces derniers mois, des chrétiens se sont fait entendre… avec leurs questions ou leurs réactions. Il y a eu des appels, des tribunes, des pétitions même… parfois pour réclamer le droit à la liberté de culte, parfois pour réclamer un autre monde plus fraternel… Le temps est venu d’opérer un changement majeur, de construire un monde d’après à la hauteur de l’urgence écologique, qui inclut l’urgence sociale de lutte contre la pauvreté et les inégalités.

Comme le souligne le pape François, la "clameur de la terre" et la "clameur des pauvres" se répondent, la crise sociale et la crise environnementale ne forment en réalité qu’une seule crise complexe socio-environnementale.

Si les fragilités sanitaires et les précarités sociales engendrées par la crise sanitaire nous accaparent ou troublent notre discernement, la Parole du Christ nous incite à rester unis à Lui, responsables et solidaires dans des relations fraternelles induites par son message. C’est ainsi qu’Il nous ouvre un avenir. Une telle confiance nous aide à clarifier les choix concrets que le quotidien nous impose aujourd’hui.

Et si un prochain confinement arrivait encore, tout en regardant par la fenêtre les oiseaux en liberté dehors…, peut-être pourrons-nous relire les paroles de Jésus : « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? (…) Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” (…) Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6, 26-34)

Père François Campagnac
Curé de Notre-Dame de Montréal
Doyen de l’Avallonnais-Tonnerrois