Marie, Mère de l'Église — Diocèse de Sens & Auxerre

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Marie, Mère de l'Église

Le 29 mai, nous fêterons "Marie, Mère de l'Église". Voici une méditation sur Marie donné par frère Basile de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire aux pèlerins de l'Avallonnais, le 18 mai 2023 (jeudi de l'Ascension).

En venant saluer Marie à l’abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire, vous aviez demandé une petite conférence sur “Marie, Mère de l’Église”. Ce n’est vraiment pas le titre que je lui donnerai d’emblée : c’est un titre récent, inhabituel. Mais j’aime la Vierge Marie et je vous en parlerai avec ma foi et mon cœur.

Pour nous mettre à l’écoute de Dieu comme Marie l’a été, je commencerai par une hymne mariale que j’aime particulièrement :

Voici l'aurore avant le jour,
Voici la mère virginale,
La femme promise au début des âges.
Elle a bâti sa demeure
Dans les vouloirs du Père.

Aucune peur, aucun refus,
Ne vient troubler l'œuvre de grâce,
Son cœur est rempli d'ineffable attente.
Elle offre à Dieu le silence
Où la Parole habite.

Sous le regard qui lui répond,
Les temps nouveaux tressaillent en elle,
L'avent mystérieux du Royaume à naître.
L'Esprit la prend sous son ombre
Et doucement la garde.

Voici l'épouse inépousée,
Marie, servante et souveraine,
Qui porte en secret le salut du monde.
Le sang du Christ la rachète
Mais elle en est la source.

Sœur Marie-Pierre

 

Ce n’est pas un cantique de pèlerinage, c’est une hymne liturgique, avec un style poétique et monastique, une contemplation du mystère de Marie, “la femme promise au début des âges” et aussi “la mère virginale” ; à la fin il y a beaucoup d’expressions contrastées : “l’épouse inépousée” “Marie, servante et souveraine”, la première des rachetés par le sang du Christ, mais elle en est la source : Marie qui “porte en secret le salut du monde”.

Sœur Marie-Pierre (moniale cistercienne qui a composé cette hymne et beaucoup d’autres car elle était douée) écrit dans le recueil “La nuit, le jour” page 133 : “Marie est célébrée essentiellement comme la Mère du Seigneur, toute disposée dès sa naissance à accueillir silencieusement le don de Dieu et à le porter au monde. C’est ainsi qu’elle est devenue la Mère des enfants de Dieu et pour eux modèle de disponibilité. D’une manière unique, elle est associée à la passion et à la gloire du Christ.“

Marie “Mère de l’Église”

J’ai relu le livre de René Laurentin, théologien présent au Concile Vatican II, qui a pour titre “La Vierge au Concile” (1965), en voici un résumé. Ce titre de “Marie, Mère de l’Église" est un titre récent dans l’histoire de l’Église et du culte marial : il n’a que 60 ans à peine ; il ne se trouve pas dans les textes du Concile Vatican II, mais dans le discours du pape Paul VI du 21 novembre 1964 ; discours de clôture de la 3° session du Concile où l’on a discuté et voté la Constitution sur l’Église Lumen Gentium.

Peut-être faut-il rappeler le chemin qui a été fait durant le Concile pour parler de la Vierge Marie, pour ne pas la mettre à part, mais bien la situer dans le mystère du Christ et de l’Église. Lorsque la question a été posée le 29 octobre 1963 lors de la 2° session du Concile : “Faut-il mettre à part le schéma sur la Vierge Marie ou bien l’insérer dans le texte sur l’Église en en faisant le dernier chapitre ?”, la division était grande entre les évêques : presque la moitié étaient opposés à l’insertion et auraient souhaité un texte à part sur Marie ; il y avait seulement 40 voix de plus pour l’insertion sur 2.200 votants. Tout un chemin a été fait d’une année à l’autre, car le 29 octobre 1964, juste un an après, lors du 1° vote sur la Constitution sur l’Église, il y avait plus de 2000 voix pour le nouveau texte qui comportait un dernier chapitre (ch 8) intitulé “La bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église” ; il y eut encore quelques modifications et pour la promulgation de ce texte le 21 novembre 1964, l’unanimité avait été retrouvée : il n’y avait plus que 5 opposants. Cela n’a pas empêché le pape Paul VI de proclamer Marie, Mère de l’Église, là où le Concile avait affirmé seulement : “Marie, la Mère de Dieu, Mère du Christ et Mère des hommes, des croyants en premier lieu”.

Et voici les mots du pape Paul VI : “Marie, Mère de l’Église, c’est-à-dire de tout le peuple de Dieu, aussi bien des fidèles que des pasteurs.” Marie est Mère, mais elle l’est de façon différente, Mère du Christ : maternité physique dans l’ordre de la nature ; Mère des fidèles, maternité spirituelle dans l’ordre de la grâce.

Pourquoi toutes ces réserves ? Voilà bien la grâce du Concile. Éviter tout excès dans la façon de parler de Marie, respecter les sensibilités, avec bien sûr un souci œcuménique, ne pas heurter nos frères protestants que Jean XXIII avait invités au Concile, au moins comme observateurs. Il y avait au Concile 2 titres de la Vierge Marie qui posaient question : celui de Mère de l’Église et celui de Médiatrice. La suppression de ce dernier fut demandée avec une insistance à laquelle on ne s’attendait pas, pour bien montrer que Jésus est vraiment le seul Médiateur entre Dieu et les hommes. Celui de Mère de l’Église pouvait être mal compris, en mettant Marie au-dessus de l’Église et puis ce titre n’était pas dans la tradition de l’Église. Marie est notre mère, mais aussi notre sœur dans la foi (Bienheureuse celle qui a cru), notre sœur dans la prière. Le soir de l’Ascension, elle n’est pas montée au ciel avec son fils, elle est là dans la Chambre Haute avec les apôtres ; elle y sera le jour de la Pentecôte, recevant l’Esprit Saint comme eux et on ne parle plus d’elle ensuite dans les Actes des Apôtres.

Depuis 60 ans que Marie a été proclamée “mère de l’Église„, ce titre est peu employé dans la liturgie, dans les prières, dans les hymnes nouvelles. La surprise est venue il y a 5 ans (à la Pentecôte 2018) de célébrer le lundi de Pentecôte la mémoire de Marie, Mère de l’Église avec des lectures très bien choisies : Actes 1, 12-14 (Marie et les Onze en prière) et Jean 19, 25-34 (Marie au pied de la croix).

Il faudrait reprendre le texte des nouvelles oraisons : “Cloué sur la croix, ton Fils a voulu que la Vierge Marie, sa Mère, soit aussi notre mère : accorde à ton Église, soutenue par son amour, la joie de donner naissance à des enfants toujours plus nombreux…“ Ce n‘est pas Marie qui enfante, c’est l’Église ; et le rôle de Marie est de soutenir l’Église par son amour maternel.

Et puis il y a une nouvelle préface qui reprend la vie de Marie : là aussi on peut trouver de belles notes comme celle-ci : “En recevant au pied de la croix le testament du Dieu d’amour, elle accueillait comme ses fils tous les hommes, que la mort du Christ a fait naître à la vie divine.” Je reprendrai une homélie faite ce jour-là en 2018.

“Marie est là au pied de la croix avec le disciple bien-aimé et il y a cet échange extraordinaire, peut-être dans un souffle, “Femme, voici ton fils” “Voici ta mère”. Marie n’est pas nommée, sinon qu’elle est la mère de Jésus, et le disciple non plus. Cela nous permet d’être là nous aussi au pied de la croix, pour entendre Jésus dire à chacun de nous : “Voici ta mère”. Une maternité d’ordre spirituel bien sûr, que les chrétiens ont très tôt reconnue, comme il est dit dans l’Évangile : “À partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui”. Il faudrait même traduire : “il la prit en lui”. L’heure de Jésus devient ici l’heure du disciple aimé et de Marie, l’heure d’une nouvelle naissance que la résurrection viendra ouvrir à l’éternité. Si Marie est la mère du Christ, elle est aussi mère de l’Église qui est le corps du Christ, et cet enfantement dure encore. »

Le mystère de l’Annonciation  (Luc 1, 26-38)

Pour moi, ce qui me fascine en Marie, ce n’est pas l’heure de la croix, mais l’heure de l’Annonciation. Dans ce récit très court de l’évangile, saint Luc nous décrit ce moment de grâce capital, la réponse inouïe de Marie au projet de Dieu. Pour mieux accueillir le mystère, car il s’agit bien du mystère de l’incarnation, où Dieu vient prendre chair dans nos vies humaines, je vous invite à vous “mettre en état d’annonciation”, comme le dit le P. René Bouchet, dans son petit livre “Si tu cherches Dieu” (page 75) : “Mets-toi en état d’annonciation et tu goûteras la joie de Marie.”

Marie nous montre comment accueillir l’inattendu de Dieu ; elle a été surprise, et même bouleversée par le salut de l’ange, qui la rassure pourtant : “Sois sans crainte, Marie”.  Elle se met dans une attitude d’écoute ou plutôt elle l’est déjà. Elle est dans cette attitude fondamentale de la prière, le silence qui permet d’écouter Dieu, car Dieu ne fait pas de bruit ; quand il frappe à la porte de Marie à Nazareth, il n’y a même pas la vibration d’un portable, mais seulement un cœur qui écoute. Elle ne dit pas oui tout de suite, elle écoute d’abord.

Si nous avions été à la place de Marie, qu’aurions-nous fait, qu’aurions-nous dit ? Dans son petit livre sur l’intranquillité, Marion Muller-Colard écrit : “À sa place, j’y aurais réfléchi à 2 fois. Mais, à vrai dire, on ne réfléchit pas devant la grâce. Ou bien on croise les bras, ou bien on acquiesce… On ne peut que consentir.”  Pourtant, Marie répond de façon admirable : pas un mot de trop, mais seulement une question sur le comment ; elle ne demande pas de signe, elle ne pose pas de condition, et l’ange répond à sa question : “L’Esprit Saint viendra sur toi” et puis il lui donne un signe qu’elle n’a pas demandé, avec cette petite phrase qui est le cachet de Dieu : “Rien n’est impossible à Dieu”. Je crois que nous pourrions reprendre à notre compte cette question de Marie : “Comment cela se fera-t-il ?”  et la réponse de l’ange : “L’Esprit Saint viendra sur toi” sans oublier le dernier mot de l’ange : “Rien n’est impossible à Dieu”, car trop souvent, nous manquons de foi et de confiance.

Et la réponse de Marie est toute simple : “Voici la servante du Seigneur” c’est à dire “Me voici, je suis partante. Si je peux faire quelque chose, si je peux être utile, me voici.“ Or Marie ne sait pas ce qui va lui arriver ; elle ne sait pas si elle en est capable. Dieu lui demande seulement d’être là et d’avoir confiance, de consentir à l’action de l’Esprit en elle : voilà sans doute le moment le plus prodigieux de l’histoire du salut : Dieu prend chair de notre chair et s’incarne dans le sein d’une femme.

Comme toujours, il y a un contraste étonnant mais aussi un lien très fort entre la grâce et la faiblesse. Et l’Esprit Saint passe par là, il est une force que nous recevons dans la faiblesse, à condition d’être disponible comme Marie, en état d’annonciation. Comment cela se fera-t-il ? L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. Et Marie est partie aussitôt visiter sa cousine Élisabeth. L’Esprit la conduira jusqu’à la Croix. C’est là que naît l’Église et que s’ébauche le Royaume. C’est là qu’il faut tout remettre à Dieu.

En conclusion

Comment faire le portrait réel de Marie ou plutôt comment ne pas faire d’elle un portrait imaginaire, excessif, qui la rendrait inaccessible ? Elle est une croyante comme nous, mais totalement ouverte à la grâce de Dieu : c’est par elle que s’accomplit le salut de Dieu : elle nous donne Jésus et Dieu nous la donne comme Mère. Alors ne craignons pas de la prendre chez nous comme il est dit à Joseph.

La vérité de Marie est bien là tout entière dans l’Évangile ; ne la cherchons pas ailleurs dans des apparitions ou des révélations privées ; Marie nous ramène toujours à l’Évangile de son Fils, à cette bonne nouvelle dont elle est la première messagère. Et si nous revenons à l’Évangile, nous n’y voyons pas Marie monter au ciel, mais nous l’entendons chanter son Magnificat, le chant des promesses de Dieu dont elle pressent qu’elles s’accompliront pour elle un jour.

Il nous est bon de nous tourner vers Marie dans la prière et j’aime la manière dont le pape François parle de Marie à la fin de son exhortation “Gaudete et Exsultate” (2018) .

“Marie est la sainte parmi les saints, la plus bénie, celle qui nous montre le chemin de la sainteté et qui nous accompagne. Elle n’accepte pas que nous restions à terre et parfois elle nous porte dans ses bras sans nous juger. Parler avec elle nous console, nous libère et nous sanctifie. La Mère n’a pas besoin de beaucoup de paroles, elle n’a pas besoin que nous fassions trop d’efforts pour lui expliquer ce qui nous arrive. Il suffit de chuchoter encore et encore : ”Je vous salue, Marie...”.”

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