Sainte Marie Madeleine, premier témoin et évangéliste de la résurrection du Seigneur — Diocèse de Sens & Auxerre

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Sainte Marie Madeleine, premier témoin et évangéliste de la résurrection du Seigneur

Marie-Madeleine a été mise au même degré liturgique que les apôtre le 3 juin 2016, mais que sait-on d'elle ?

Conférence donnée par Mgr Hervé Giraud aux participants de la rencontre provinciale de la pastorale de la santé à Vézelay, le 21 juin 2022.

Dernièrement à Lyon, les évêques de France, avec leurs délégués diocésains, ont rendu “grâce pour la joie et l’élan suscités par la phase diocésaine de l’itinéraire synodal voulu par le pape François”. Ce chemin synodal mérite d’être poursuivi avec le même élan et la même foi. Nous sommes bien conscients en effet que le processus synodal n’a pas atteint tout le peuple de Dieu dans sa diversité et qu’il doit aussi se poursuivre. Cette journée avec Marie Madeleine peut nous aider à garder cet élan. En effet, je pense que la sainte vénérée à Vézelay est portée par un élan qu’il nous revient de garder aussi en nous.

Marie-Madeleine est une femme qui a été mise, le 3 juin 2016, au même degré liturgique que celui qui est donné à la célébration des apôtres, c'est-à-dire pas simplement une "mémoire obligatoire” mais une “fête”. Elle peut être “reconnue comme un modèle de service des femmes dans l’Église”. Le texte latin dit même : “paradigme du ministère des femmes dans l’Église (paradigma ministerii mulierum in Ecclesia)”. Mais que sait-on de Marie Madeleine ? À partir des évangiles, on peut tirer quelques enseignements précis sur elle.

Marie est de Magdala. Elle fait partie des nombreuses femmes qui accompagnaient et suivaient Jésus et les Douze (Lc 8, Mc 16). Elle est une disciple du Christ. À la suite de Jésus, Marie-Madeleine est toujours citée en premier, parmi les femmes, sauf au pied de la croix (Jn 19). Les femmes de l’Évangile, Marie Madeleine, Marthe et Marie de Béthanie, Jeanne, Suzanne et Salomé, servirent Jésus avec une loyauté dont les disciples ne firent pas toujours preuve. Cependant, Marie Madeleine ne doit pas être confondue avec les autres Marie mentionnées dans les évangiles, notamment la femme pécheresse de Luc 7, et cela même si “cette interprétation s’est maintenue et a eu une influence chez les auteurs ecclésiastiques occidentaux”. Origène et Jérôme, aux IIIe et IVe siècles, ne faisaient pas l’assimilation. Grégoire le Grand, pape du VIe siècle, fera la fusion de Marie de Béthanie, de la femme pécheresse et de Marie Madeleine en une seule figure. Le magistère semble avoir tranché en soulignant cette distinction entre ces femmes.

L’évangile de Luc, qui souligne que les femmes ont été “guéries de maladies et d’esprits mauvais”, précise que de Marie Madeleine “sont sortis sept démons” dont on ignore d’ailleurs les noms et les rôles. Ces démons peuvent être la gourmandise, la fornication, l’avarice, la tristesse, la colère, l’acédie, la vaine gloire ou l’orgueil. Mais nous n’en savons rien. Cette “sortie de démons” indique que Marie Madeleine a vécu une expérience de libération au point de suivre Jésus, c'est-à-dire de reconnaître en Lui l’auteur de cette liberté nouvelle. Aujourd'hui nous dirions peut-être qu’il faut nous aussi être libérés, par exemple de la crainte, des relations toxiques, de souvenir, d’addictions…

Comme les autres femmes, Marie Madeleine servait Jésus et les Douze en prenant sur ses ressources. Comme les autres femmes, Marie Madeleine ira jusqu’au bout, jusqu’au pied de la croix. Certes Marie Madeleine ne sera pas la première à croire (“Il vit, et il crut3 Jn 20,8). Elle n’est pas la première à entrer dans le tombeau du Seigneur, mais, à la seule lecture de Jean 20, nous pourrions dire qu’elle cumule beaucoup de “primautés”.

Quelles sont ces primautés ? J’en souligne 13 ! Marie Madeleine est :

  • la première à s’élancer après la résurrection du Christ. Elle est donc déjà portée, sans le savoir, par l’événement de la résurrection. Elle donne à voir le premier mouvement visible produit par la résurrection : un élan, une recherche, un désir de voir encore le Christ, vraiment mort, mais toujours à honorer. Elle s’élance de nuit, dans sa nuit, dans son obscurité.
  • la première à être au tombeau, soit seule (selon saint Jean), soit devant Marie de Jacques et Salomé (selon saint Marc).
  • la première à voir, non pas tant le tombeau vide, mais à voir qu’on « a enlevé le Seigneur de son tombeau… ».
  • la première à courir, et d’abord vers Simon et vers le disciple aimé qui, eux-mêmes, se mettront à courir. Elle cherche un corps disparu.
  • la première à pleurer, seule, en dehors du tombeau.
  • la première à voir le Ressuscité (premier témoin oculaire du Christ Ressuscité).
  • la première à se convertir, se retourner physiquement et spirituellement, en deux temps : elle recevra de Jésus Ressuscité le nom de “Femme” puis de “Mariam” (et non plus “Maria” comme pour indiquer une nouvelle mission).
  • la première à reconnaître la voix du Ressuscité, signe de l’humanité du Ressuscité, humanité qui demeure.
  • la première à avoir une parole personnelle venant du Ressuscité, une parole de consolation. Elle est donc le “témoin de la miséricorde divine”. Jésus a eu de la miséricorde envers elle en se faisant reconnaître comme le Maître et en transformant ses larmes en joie.
  • la première à devoir lâcher prise : “Ne me retiens pas”, c'est-à-dire : “Je ne reviens pas vivre avec vous comme avant ; je serai avec vous autrement en étant près du Père.”
  • la première à être envoyée : “Va trouver mes frères…” Elle n’est pas l’“Apôtre des apôtres” comme l’écrivait saint Thomas d’Aquin ou Raban Maur, mais l’apôtre des frères du Seigneur.  
  • la première à devoir annoncer aux “frères” de Jésus, la montée du Ressuscité vers son Père et notre Père. Elle est donc la première à qui Jésus révèle son ascension. Dès lors elle devra témoigner de cette ascension qui est exaltation à la droite du père.
  • la première évangéliste des disciples : elle annonce sa contemplation du Seigneur aux “disciples : “évangéliste de la résurrection du Seigneur”. “Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : “J’ai vu le Seigneur !”, et elle raconta ce qu’il lui avait dit.” Elle n’est pas évangéliste comme les quatre autres qui formulent le kérygme. Elle ne formulera pas le kérygme (“Il est ressuscité”) mais atteste sa vision oculaire (" J’ai vu le Seigneur”) pour dire que Christ Ressuscité est élevé (monté, exalté) comme Fils vers son Père.

En conclusion, je cite le texte de la liturgie : “Sainte Marie Madeleine est un exemple d’évangélisatrice vraie et authentique, c’est-à-dire, une évangéliste qui annonce le joyeux message central de Pâques.” (Collecte du 22 juillet et nouvelle préface). Marie Madeleine ne fait pas partie des quatre évangélistes mais la collecte souligne ici qu’elle montre le caractère joyeux et central du message pascal. Dès lors, Marie-Madeleine disparaîtra des Écritures, et sera un peu oublié dans la réflexion théologique.

Disciple libérée, empressée, réorientée, consolée, premier témoin du ressuscité, première envoyée (missionnaire), évangéliste de la résurrection et de l’élévation du Seigneur,  le Seigneur en a fait l’apôtre de la nouvelle et plus grande espérance, de “l’espérance de l’Évangile” (Col 1,23). “La première a propagé la mort là où était la vie ; la seconde a annoncé la Vie à partir d’un sépulcre, lieu de la mort.”

Marie Madeleine révèle que tous nos élans d’amour ou missionnaires sont déjà portés par l’événement de la résurrection. “Mariam” nous rappelle que la foi vient toujours du cœur, que cette foi ne consiste pas à suivre des lois mais bien une Personne. Le ressuscité lui offre un élan intérieur. Marie Madeleine peut nous rappeler l’élan des “ressuscités”.

Marie Madeleine montre que Dieu se révèle librement à qui il veut, comme il veut. Il se révèle à ceux et celles qui reconnaissent sa capacité de guérir et libérer. L’apparition du ressuscité à Marie Madeleine montre que le service du Christ ne passe pas d’abord par un pouvoir ou une mission d’organisation communautaire. Marie Madeleine est au service de la révélation de l’élan que donne l’événement pascal.

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