Quand l’Évangile devient réflexe — Diocèse de Sens & Auxerre

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Quand l’Évangile devient réflexe

Édytorial de la revue diocésaine de novembre 2021, par le père Joël Rignault, vicaire général

Dans cette période de l’année où, tout naturellement, nous méditons les chemins possibles de la sainteté, il est agréable de se réimprégner de l’enseignement de notre pape François lorsqu’il développe sa vision de la sainteté dans sa belle exhortation Gaudete et exsultate. Une des dimensions de son enseignement a particulièrement retenu mon attention : la sainteté n’est pas d’abord du côté du spectaculaire ni d’une escalade solitaire vers je ne sais quel sommet : “personne n’est sauvé seul […] Dieu nous attire en prenant en compte la trame des relations interpersonnelles qui s’établissent dans la communauté humaine : Dieu a voulu entrer dans un dynamisme populaire, dans la dynamique d’un peuple” (GE, n° 6). Dans cette perspective, la vie quotidienne prend toute sa force. L’expression “la sainteté de la porte d’à côté” a marqué les esprits des lecteurs de cette exhortation ; à juste titre, elle a eu beaucoup de succès.

Ainsi, nous sommes invités à être attentifs à toutes ces belles attitudes vécues dans la vie familiale, l’engagement généreux des parents, la sensibilité féminine, la grâce des belles attitudes de consacrés. Sans doute, il fait bon réapprendre à s’émerveiller de beaux réflexes que la sainteté de Dieu peut inspirer dans notre quotidien. Sans angélisme, la lucidité nécessaire pour vivre est davantage de ce côté-là. Cependant, une question peut dominer notre méditation : comment cet art de vivre qui est de l’ordre de la sainteté peut se transformer en réflexe ? À titre d’exemple, je me souviens dans le Tonnerrois de ces tables de fermes où on sortait naturellement une assiette supplémentaire dès l’arrivée d’une personne inattendue. Quels ont été les processus qui ont permis que ce type de réflexe s’installe ; quels seraient les processus qu’il faudrait initier pour que ce type de réflexe se réinstalle lorsqu’il a disparu ?

À la relecture de l’exhortation, je perçois deux chemins possibles. Sans tomber dans le gnosticisme, obstacle signalé par le Saint-Père, le fait de s’imprégner de ce qui est rapporté dans l’Écriture de l’attitude de Dieu et, encore plus précisément, dans les textes évangéliques, de l’attitude du Christ est sans doute un chemin privilégié. Effectivement, j’interprète la mise en garde du gnosticisme comme un danger de limiter la lecture des Écritures à une œuvre d’érudition. Il ne s’agirait plus de la lecture de la Parole de Dieu, mais de la lecture des Écritures comme d’un jeu intellectuel qui permettrait d’exposer son savoir devant des publics considérés comme ignorants. Benoît XVI s’était déjà inquiété de cette approche (Verbum Domini). En revanche, avoir le désir, parce que nous nous savons habités de l’Amour trinitaire, d’acquérir à l’état de réflexe les attitudes du Christ, ouvre un réel chemin de progression.

La lecture en fraternité de la Parole de Dieu est une chance que notre diocèse souhaite offrir au plus grand nombre. Loin du pélagianisme, relevé par le Saint-Père comme un réel danger pour la foi, accueillir dans la plus grande disponibilité possible le don de Dieu est également un chemin qui nous transforme efficacement. Là aussi, j’interprète le danger du pélagianisme comme ce risque, réel et parfois presque volontaire, de se priver de la grâce de Dieu : c’est par grande capacité intellectuelle, d’organisation, de volonté, que je réussis. Les réflexes évangéliques ne s’obtiennent pas comme des concours aux grandes écoles où les places sont limitées ! Si l’humain doit se faire violence, c’est pour concéder à la disponibilité intérieure. Accueillir ce qui advient, apprendre à discerner, pour reconnaître le don de Dieu, est une voie privilégiée.

Cette année, la figure de saint Joseph nous a été donnée comme une belle illustration de cette disponibilité intelligente efficace et lucide. Loin des carcans idéologiques, des plans à appliquer coûte que coûte, la disponibilité avec les yeux de la foi est sans doute un chemin plus sûr pour progresser. Lorsque le Saint-Père commente les béatitudes, il aime avoir cette expression : “savoir pleurer avec les autres, c’est cela la sainteté”. Endurance, patience et douceur sont les vertus proposées dans ce texte pour que l’Évangile devienne réflexe. Au cœur de notre société, de notre département, de nos villages, de nos réalités professionnelles, ce sont ces signes d’authenticité qui permettent d’une façon privilégiée à notre Église d’être, comme le souhaitait ardemment le Concile Vatican II, “signe et sacrement du salut”. Effectivement, nous constatons aisément que cette exhortation à l’appel à la sainteté dans le monde actuel est à lire en cohérence avec le premier texte sur la Joie de l’Évangile. ■

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