Compte-rendu de l’Assemblée Plénière de la CEF - avril 2022 — Diocèse de Sens & Auxerre

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Compte-rendu de l’Assemblée Plénière de la CEF - avril 2022

La dernière assemblée plénière des évêques de France a eu lieu du 5 au 8 avril 2022 en pleine période de guerre en Ukraine et d’élection présidentielle en France. Mgr Hervé Giraud en a rendu compte le 12 avril 2022 lors d'une visioconférence. En voici le texte.

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La dernière assemblée plénière des évêques de France a eu lieu du 5 au 8 avril 2022 en pleine période de guerre en Ukraine et d’élection présidentielle en France. Il est important de vous en rendre compte. C’est Éric de Moulins-Beaufort qui a ouvert l’assemblée en annonçant les dossiers de ces trois jours, marqués par la présence de référents diocésains sur deux sujets : l’écologie intégrale et le « chemin de transformation » qui concerne la réforme des structures de la CEF. Il a aussi été question de la prise en compte des 9 chantiers lancés après la Ciase, des questions financières, et nous avons procédé aux diverses élections à la CEF.

mardi 5 avril 2022

L’Assemblée a donc débuté mardi 5 avril par une séquence d’une journée et demie consacrée à l’écologie intégrale, occasion de faire le bilan de la séquence ouverte il y a trois ans et d’envisager des perspectives pour poursuivre le travail dans les diocèses. Nous allons maintenant travailler à nos engagements : 52 propositions ont été faites et ont été amendées ou complétées., Bernadette Daguin, notre référente diocésain à l’écologie, a rappelé l’importance d’une Église qui se renouvelle en citant Laudato Si’ n° 111 : « La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. » Pour l’Église catholique en France il s’agit de mieux prendre soin de la Maison commune, en se référant au Christ et en nous situant dans le temps long. La crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure. Laudato Si’ et Fratelli Tutti sont nos deux repères marquants « pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (LS n° 49). Pascal Balmand a résumé les 105 contributions post-assemblées, en pointant nos incohérences et nos oublis (comme une perspective plus politique ou militante), mais en soulignant surtout la joie de cette expérience stimulante par son intelligence collective. Nous avons essayé d’articuler conversion écologique et démarche synodale. Des délégations ont été créées (Cf. CLEFS chez nous). Les attentes sont fortes : il ne faut pas en rester là. Il nous faudra positionner l’écologie intégrale comme une culture vivante, pas forcément en ajoutant des choses mais « en colorant » nos différentes initiatives pastorales. La conversion écologique est d’abord conversion à l’Évangile.

Lors de cette séquence nous avons honoré la dimension œcuménique avec les interventions d’un théologien orthodoxe, le P. Sollogoub et d’un théologien protestant, Martin Kopp. Le prêtre orthodoxe a notamment abordé la question du jeûne comme une pratique de sobriété qui nous rapproche de Dieu et des autres. Le jeûne invite à vouloir moins et à reconnaître les besoins des autres. Le jeûne permet de ressentir que la grâce de manger doit devenir la grâce de partager. Quant au théologien protestant, Martin Kopp, il nous a invités à changer de perspective. Il a fortement insisté sur la dimension cosmique du salut et sur la place du Christ en qui tout est créé et qui est entré dans sa création. Pour lui le changement climatique n’est qu’un aspect de l’écologie. Les premières victimes sont les plus pauvres, dont en majorité des femmes. Il a parlé de péché écologique, mais aussi de décroissance et de l’importance d’une « réforme verte » de l’Église. Le débat a montré qu’il nous fallait faire attention à notre manière de parler de l’homme comme « centre de la création ». L’essentiel porte sur nos relations : « Tout est lié ». L’homme arrive le 6ème jour… signe qu’il a besoin de tout ce qui précède : lumière, nuit, temps, terre sèche pour l’habitat, plantes, animaux.

C’est Mgr Hlib Lonchyna, administrateur de l’éparchie de France, Belgique et Suisse, de l’Église gréco-catholique ukrainienne, qui a présidé la messe en rite gréco-catholique, ceci afin de prier avec et pour les Ukrainiens, pour la paix. Par ailleurs il a évoqué la situation en Ukraine, cette mer de larmes, ses fleuves de sang : « Toute guerre laisse le monde pire… la guerre est toujours un échec, une déroute devant les forces du mal ; on a blessé le cœur de Dieu ; on est devenu indifférents sauf à nous-mêmes. »

mercredi 6 avril 2022

La séance de travail de l’après-midi de mercredi était consacrée à l’avancée des résolutions votées par les évêques réunis en Assemblée plénière en mars et en novembre 2021, pour lutter contre les agressions et violences sexuelles sur mineurs et personnes vulnérables. Madame Marie Derain de Vaucresson, Monsieur Gilles Vermot Desroches et Monsieur Hervé Balladur, ont présenté respectivement les missions et le fonctionnement de l’INIRR (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation), du Fonds SELAM (Fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs) et des neuf groupes de travail constitués à la demande des évêques. 8 collectifs de personnes victimes étaient présents à Lourdes ou en visio.
Hervé Balladur a parlé des groupes de travail, de leur avancement et de leur visibilité. Il fera un bilan d’étape en novembre 2022. 100 personnes dont 10 victimes membres à part entière ont été associées à ces groupes de travail (2/3 laïcs, 46% de femmes). Un site grand public a été créé : abus-quefaitleglise.fr. L’association « De la Parole aux actes » sera associée sur les moyens de vigilance.
Gilles Vermot Desroches a indiqué que le fonds SELAM reçoit des dons régulièrement. Certaines victimes ne demandent rien mais font un don. Un million d’euros sera affecté pour la prévention. 19 millions d’euros ont été recueillis, non pris sur le Denier. Cette somme est aussi un signe fort, en trois mois, de la détermination donnée à nos résolutions. Nous progressons sur une route qui se dessine à mesure que nous avançons.
Marie Derain a d’ailleurs souligné cet inconnu… car ce type de démarche et d’instance n’existe nul part. Nous faisons au-delà et en deçà de la justice… Parfois à côté. Sa mission consiste à créer, structurer et administrer en complète indépendance cette instance chargée de la reconnaissance et de la réparation des personnes ayant été victimes, au cours de leur minorité, de violences sexuelles dans l’Église. Elle essaye de mettre en place une justice restauratrice, mais sans modèle pour cette prise en compte des personnes victimes. Marie Derain a abordé la question du Système d’information sécurisée (RGPD, règlement général la protection des données). Elle a bien précisé qu’il ne s’agit pas d’indemniser. Il s’agit d’écouter les demandes (plus ou moins explicites), de reconnaitre, de réparer. La présidente est entourée par collège de 12 experts (il manque un psychiatre psychotrauma). Actuellement elle a enregistré 526 situations. Cela ira en augmentant et il faudra alors changer de rythme. L’urgence concerne certaines situations qui sont dégradées, ou des personnes en fin de vie. Son instance reçoit à la fois des paroles de remerciement, des paroles négatives, des paroles d’impatience, des paroles de revendication. La question se pose sur des personnes, victimes qui étaient majeures lors des abus ou violences sexuelles, et  qui se sentent oubliées. Certaines victimes majeures vulnérables échappent aux dispositifs. On pourra les traiter au cas par cas. Les personnes sourdes ou handicapées seront aussi prises en charge. Souvent un temps de dialogue avec l’évêque est demandé. Marie Derain est en lien avec Antoine Garapon, Président de la Commission Reconnaissance et Réparation qui effectue le même travail pour les congrégations religieuses.

jeudi 7 avril 2022

Le jeudi 7 avril nous avons travaillé avec Nexus et les référents diocésains sur le « Chemin de transformation ». Ce chemin de réforme des structures avait échoué il y a 3 ans. Je reprends ici quelques points soulignés par Corinne Vettivelu, référente pour notre diocèse.

  • La très grande majorité des évêques souhaite entrer dans ce processus de transformation de la CEF qui a besoin « de voyager plus léger ». Il nous faut simplifier…  et améliorer nos fonctionnements à tous les niveaux.
  • Nous ne préjugeons pas du résultat. Nous sommes ouverts à « tout » à partir d’une juste conception de l’Église dans le monde.
  • Le rôle des référents sera d’être à la fois un facilitateur, un aiguillon, un support méthodologique. Ils sont mandatés par les évêques, ces derniers restant la « cheville ouvrière » du processus car il s’agit d’abord d’une conférence épiscopale.
  • Le mode opératoire est ouvert. Nous allons démarrer ce processus au niveau de chaque province. Nous allons repérer ce qui existe déjà. Pour nous il s’agit des relations entre diocèses au sein de la province, sessions de formation à Paray tous les trois ans, école des ministères, relations entre services diocésains et service nationaux. Il s’agira d’imaginer de nouvelles synergies et de rêver un peu… guidés par l’Esprit !  Une première rencontre (2 jours) aura bientôt lieu.

Du côté des évêques il est ressorti qu’il nous fallait plus de temps entre nous pour parler en assemblée plénière. Et par conséquent : avoir des méthodes de travail pour des temps de dialogue en assemblée (certains ne parlent jamais) et en petits groupes (avoir des méthodes de collégialité). Nous avons souligné que nous traitions beaucoup de dossiers sans partager nos difficultés ou joies, y compris spirituelles. La question se pose de simplifier le Conseil permanent en le remplaçant par le conseil des archevêques métropolitains. Cela ne fait pas (encore ?) l’unanimité. Un point essentiel qui a été souligné est celui du rôle de ce conseil permanent : on est passé d’une collégialité ascendante à une collégialité descendante. La multiplication des assemblées plénières ne satisfait personne ! Il faudra associer travail et fraternité collégiale, avec la synodalité diocésaine. Nous avons passé en revue ce qui était essentiel parmi les services et la nécessité de travailler en province et de partager des initiatives.

vendredi 8 avril 2022

La matinée de vendredi 8 avril a été consacrée aux finances, aux votes, et au discours de clôture. Sur les finances nous avons été alertés sur la baisse structurelle des donateurs à cause de l’âge (76 ans en moyenne). 45 % des Français se déclarent catholiques. Mais sur les 6% pratiquants, seulement 35% donnent au denier de l’Église.

L’Assemblée a également procédé à des élections internes. Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims a été réélu président de la conférence des évêques de France et  Dominique Blanchet, évêque de Créteil, ainsi que Vincent Jordy, archevêque de Tours ont été élus vice-présidents.

Par ailleurs, le Métropolite Dimitrios (Église grecque-orthodoxe) nous a offert une belle méditation sur la synodalité. Le Pasteur François Clavairoly nous a rappelé la souveraineté du Christ face à l’ultime limite qu’est la mort et sur l’impératif de justice qui en découle. Mgr Khatchatryan, de Église apostolique arménienne nous a demandé de ne pas oublier la guerre lancée par l’Azerbaïdjan contre l’Arménie et qui a fait 5000 tués.

Les évêques ont confirmé la voie originale des GFU, qui permet à des séminaristes de mener de front études et formation au presbytérat. Le séminaire de la Mission de France, quant à lui, permet la même chose mais pour des jeunes professionnels. Les GFU s’appelleront désormais « Séminaire Saint-Paul-VI ».
Nous avons évoqué l’Enseignement catholique sur la question des identités de genres, des transgenres, des manuels d’éducation affective et sexuelle.
Vincent Jordy, archevêque de Tours, a évoqué la démarche de Kérygma 2023 non sans avoir rappelé les 4300 catéchumènes de cette année. 
Benoit Bertrand, évêque de Mende, a alerté sur la santé des prêtres et diffusera des  propositions aux prêtres en ce sens.
Alexandre Joly, évêque de Troyes, a fait un point sur la phase synodale. Il y aura une Assemblée plénière extraordinaire à Lyon les 14-15 juin pour un discernement collégial.

Enfin Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence, a conclu par un discours en soulignant plusieurs urgences.
L’urgence climatique exige « un changement drastique de nos modes de consommation, de production, de transport, de chauffage... Y sommes-nous prêts ? »
L’urgence de la charité : « L’amour du Christ nous presse de nous faire proches des frères et sœurs lointains qui, les premiers, souffrent et souffriront des effets du changement climatique ; l’amour du Christ nous presse de nous faire proches de toute forme de vie ».
Urgence à agir : « Des engagements ont été suggérés par les référents écologie des diocèses… Les évêques poursuivront leur conversion écologique, les diocèses et les paroisses enrichiront leurs initiatives. »  
Urgence de coopération : « Nos sociétés occidentales prennent conscience que leur développement remarquable s’est fait au détriment d’autres régions du monde et que sa course en avant dans la croissance continue à n’être possible que par la pollution ou la destruction d’autres espaces et d’autres êtres. Nous devons oser dénoncer les structures de péché. »
Urgence de revoir nos structures de travail commun : c’est le sens du chemin de transformation que nous avons engagé. Nous aspirons à une meilleure collégialité non seulement en France mais avec les évêques du monde. « La collégialité rend possible la synodalité, c’est-à-dire la marche commune du peuple de Dieu. » 
Urgence face à ceux qui meurent à Kharkiv ou à Mariopolis. Nous avons demandé « que se lève sans tarder une paix dans la justice et la vérité, une paix des armes qui prépare celle des cœurs, une réconciliation des frères, un temps ennemis, par-delà toute haine, tout ressentiment, toute douleur. »
Urgence de lucidité « à l’égard des violences et agressions sexuelles. Les personnes victimes ont souffert et souffrent d’avoir été objets de prédation, d’avoir été traitées comme des choses, des objets de désirs non maîtrisés d’un adulte, a fortiori d’un prêtre… Le pas décisif est franchi… Nous sommes conscients que nous avons encore à travailler. »
Éric de Moulins-Beaufort a aussi évoqué l’élection présidentielle dans notre pays. « Dimanche, nous n’élirons pas un sauveur de la France, ni un messie, ni quelqu’un qui devrait incarner tout le bien à faire. Nous aurons à choisir un responsable politique, homme ou femme, … dans ces temps incertains de fractures sociales, de crise sanitaire, de crise écologique, de guerre toujours possible. Il n’aura pas la solution à tout, il ne pourra pas empêcher toute immigration, il ne saura pas inventer l’énergie infiniment renouvelable, transportable, efficace. Il ne pourra pas non plus changer les cœurs. » « Il me faut le dire encore : … il y a encore trop d’antisémitisme, caché ou non, dans notre pays. » Et il a ajouté que « notre pays ne se grandit pas en prétendant s’entourer de murs, il ne se grandirait pas non plus s’il en venait à renoncer à accompagner les êtres humains jusqu’au bout de leur vie en les entourant de fraternité au profit d’une mort prétendument douce. Notre pays est vivant lorsqu’il porte au milieu des nations la voix du respect de toute personne humaine et de l’espoir de pouvoir nouer une alliance avec elle. »

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