Dimanche 24 A 2020 — 18. Paroisse Sainte-Reine - Auxerre Val de Baulche

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Dimanche 24 A 2020

Dimanche dernier, les lectures nous ont parlé de la fraternité que nous devons construire à partir de la correction fraternelle. Aujourd’hui, la parole de Dieu, en particulier l’Évangile, nous parle du pardon. Aucune communauté, aucune famille ne peut vivre la fraternité et l’amour sans le pardon.

                La première lecture va au-delà de l’ancienne loi dite du Talion qui réglait des conflits «œil pour œil et dent pour dent». Cette «Loi du Talion» apparaît vers le milieu du 18ème siècle avant JC dans le code d’Hammourabi, alors roi de Babylone. Elle incitait à la vengeance individuelle, à condition que la peine soit identique au crime commis. Ainsi, si une personne était rendue borgne, la loi du Talion l’autorisait à en faire de même sur son ennemi. Avant, rien n’indiquait que la vengeance devait être égale au préjudice subit, elle pouvait être bien supérieure. Cette vengeance était donc instituée, elle a été adaptée en Israël avec quelques différences, car si on continuait à vivre de cette loi, il était possible d’avoir tout un peuple sans yeux, sans dents. Le peuple de Dieu a donc connu quelques avancées d’ordre moral jusqu’à  faire des pas de géants dans la vie sociale. Au IIème siècle avant notre ère, Ben Sira le Sage ou Siracide, proposait une morale inspirée par une foi en Dieu «Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur (…) Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait, alors à ta prière, tes péchés seront remis.» (Si28,1-2)

                On y voit, une théorie de la vengeance de Dieu  que le peuple de Dieu n’a pas cessé de développer. Mais cette vengeance de Dieu paraît toujours lente pour donner au coupable le temps de se convertir. La morale soulignée par ce sage de l’AT est celle de la nécessité du pardon qui montre la miséricorde de Dieu envers les humains «Un homme qui n’est que chair garde rancune, qui lui pardonnera ses péchés?» (Si28, 5) Sans pardon, incroyablement, nos familles, nos villages et nos communautés se transformeraient en champ de bataille. Combien de familles divorceraient sans pardon; combien de voisins deviendraient ennemis s’ils ne se pardonnaient pas; combien de pays entreraient en guerre si la vengeance serait une solution immédiate. Regardez, le pardon n’est pas seulement une éthique des chrétiens, il est aussi le secret pour ceux qui veulent vivre heureux. Le pardon serait toujours possible si dans notre vie «Nous appartenons au Seigneur» comme nous le dit saint Paul dans sa lettre aux Romains (14, 8). 

                Dans l’Évangile Pierre pose au Seigneur une question indiscrète «Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu’à sept fois?» (Mt18, 21) Pour Pierre, il semble vraiment désolé de pardonner à son frère sept fois. Sept fois signifie beaucoup, mais la réponse de Jésus est forte «Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix- sept fois.» (Mt18, 22) Si on est disciple de Jésus, le pardon doit être notre réalité quotidienne car il est une condition sine qua none pour mériter le pardon de Dieu. «Si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos manquement.» (Mt 6, 14) Jésus donne un cas héroïque de pardon. Nous comprenons dans l’exemple de l’Évangile que le pardon vient de Dieu riche en amour. Car celui qui ne sait pas pardonner dans les petites choses ne peut pas pardonner dans un cas héroïque. La parabole nous montre que pardonner est difficile parce que ce n’est pas dans notre nature. Pardonner sans ressentiment est un don de Dieu. Cet Évangile me rappelle madame Thérèse, une paroissienne du Rwanda où j’étais curé  . Elle a pardonné au meurtrier de son mari et de ses trois enfants. Son acte ne se limitait pas à lui pardonner, elle lui rendait visite en prison et lui apportait souvent de la nourriture. Elle marchait pendant deux jours pour aller à la prison rendre visite au meurtrier de sa famille. Elle devait travailler quelques jours pour avoir une ration qu’elle lui apportait, car elle était pauvre.

                Il paraît normal de condamner celui qui nous fait du mal, celui qui a tué un membre de notre famille, celui qui a violé un mineur. Il est vraiment anormal de pardonner à celui qui nous a fait souffrir. L’importance du pardon est ce qui vient ensuite. Si nous pardonnons, nos familles, nos communautés et nos peuples resteront unis, sinon nous assisterons aux conflits qui ne se termineront pas, aux séparations très profondes, à l’indifférence, et tout cela rendra difficile nos vies, ce qui pourra nous conduire aux dépressions sévères. Nous devons toujours nous pardonner les uns les autres, car le pardon nous rend heureux. Dans le pardon personne ne perd au contraire, sans le pardon, tous nous perdons. Spirituellement, le pardon fait de nous des enfants de Dieu qui pardonne nos péchés. Puisque nous sommes tous pardonnés, nous devons pardonner aux autres. Il faut éviter d’être comme celui à qui on avait pardonné et qui ne voulait pas pardonner celui qui lui devait très peu, une misère.

                En conclusion, nous voyons que le pardon est difficile. Pardonner ne veut pas dire oublier. Mais on ne  garde pas des rancunes, quand on a pardonné. Il faut pardonner avec élégance, sans rien attendre et sans l’afficher toujours dans nos propos. Cela ne viendra pas de nos propres efforts. Si nous vivons de la parole de Dieu, nous trouverons la force de demander pardon à nos frères ou de leur pardonner. Faisons un examen de conscience et demandons pardon pour nos péchés et, si nous avons offensé quelqu’un, demandons lui pardon afin de faire route ensemble avec sérénité.