"Nous sommes des amis au service de l'Évangile" Homélie du 6ème Dimanche de Pâques - Père Pascal Bégin — 24. Paroisses du Tonnerrois

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"Nous sommes des amis au service de l'Évangile" Homélie du 6ème Dimanche de Pâques - Père Pascal Bégin

[Pierre] fit son entrée à Césarée. Corneille vint à sa rencontre, et se prosterna. Mais Pierre le releva et lui dit : « Reste debout. Je ne suis qu’un homme, moi aussi. » (Apôtres, 10, 24-26) [P. Galle, 1582, Gravure Bibiliothèque Royale de Belgique]

Certains pensent qu’ils sont vivants parce qu’ils multiplient les activités, qu’ils vont et viennent au gré de leur choix ; ils oublient qu’ils le sont, parce qu’ils ont reçu le don de la vie.

Textes : Actes 10,25-48 – Psaume 97 (98)  – 1 Jean 4,7-10 – Jean 15,9-17

Certains pensent qu’ils sont vivants parce qu’ils font plein d’activités, qu’ils vont et viennent au gré de leur choix ; ils oublient qu’ils le sont, parce qu’ils ont reçu le don de la vie.

Ainsi faut-il entendre la parole de Jésus, comme une profession de foi avant d’être un appel ou une règle de moralité : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés…. ; aimez-vous les uns les autres ».

Il se conçoit vivant de l’amour de Dieu le Père… qu’il connaît et aime en retour, non pas seulement directement mais en aimant cette humanité au milieu de laquelle il vit et qu’il se voit confiée à conduire et à soigner, à nourrir de son amour pour tous.

On retrouve dans la description-définition de cet amour auquel Jésus appelle ou qu’il recommande, les éléments de l’amour conjugal qui en est un sacrement :

  • La liberté d’aimer… « c’est moi qui vous ai choisis et établis… » qui engendre la liberté de l’être aimé « afin que vous alliez... » Telle est la vraie liberté, celle de s’engager - et non de garder son libre arbitre - et de faire jaillir la liberté de l’autre plutôt que de la capter.
  • La fidélité comme un rendez-vous donné. Car au quotidien, c’est la confiance qui lie deux conjoints. La fidélité est le résultat final constaté de cette confiance quotidienne. Et Dieu s’engage avec son peuple selon cette fidélité promise : « tu verras, je serai toujours avec toi ». Jésus, dans cet évangile le dit autrement « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie »… ; une parole avant sa Passion, une preuve d’amour que Jésus honorera. Il s’est montré fidèle jusqu’à la mort. De même, pour nous, la fidélité n’est pas une activité d'une seule journée, c'est une preuve d'amour chaque jour renouvelée jusqu'à la fin de cette belle course de relais.
  • L’indissolubilité, c'est-à-dire ce lien intime qui fait que la prière en son nom, soit sa prière même, parce qu’en Jésus, sans se dissoudre, la divinité s’est liée à vie à notre humanité. C’est ainsi que Jésus s’exprime : ce que vous demanderez en mon nom, il vous le donnera »
  • Enfin, la fécondité… « que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ».

Bref, l’amour auquel le Christ nous convie n’est pas simple amour sentimental comme on en trouve dans les comédies romantiques. C’est l’amour, comme nous en avons l’exemple dans le couple humain,… et que même un petit enfant sait identifier.

Il existe un fil, comme un témoin qui court de siècle en siècle, de Jésus jusqu’à nous, dans une sorte de procession d’amour qui nous lie au Christ, les uns à travers les autres. L’amour est comme un « témoin » dans une course de relais, la preuve que nous sommes liés à lui. C’est parce que les disciples de Jésus sont devenus des amis… et ont partagé cette amitié avec d’autres, que, de génération en génération, nous avons reçu sa parole, son commandement et son amour.

Et cette historicité va se muer en spatialité. Au long des siècles et dès le début de l’Evangélisation, comme nous le découvrons dans les Actes des Apôtres, cet amour se répand en dépassant les barrières sociales et en traversant les frontières. Ainsi, l’apôtre Pierre ne peut que se convertir à partager sa foi au Centurion romain Corneille, à Césarée, car « Dieu est impartial ; il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes »

Certes, cette ouverture va vite se heurter à ceux qui veulent les commandements sans le service, les règles sans l’amour. On érigera sans cesse des clôtures pour délimiter le périmètre du salut. Il faudra un premier Concile – celui de Jérusalem – et bien d’autres conciles pour que cet amour miséricordieux soit partagé hors du clan, hors de l’Eglise rassemblée sans pour autant renoncer à l’identité de l’Église catholique. Etre catholique, ça ne veut pas dire tout et n’importe quoi. Et pourtant, cet adjectif « catholique » nous oblige, car il a ce premier sens de « universel » : pour Dieu, le monde ne fait qu’un.

Et pour les disciples du Christ, c’est un appel à aimer ceux que Dieu aime d’un unique amour.

Nous, connaissons-nous vraiment Dieu, pour l’aimer vraiment ?

Beaucoup se tiennent à distance ou n’osent s’en expliquer par paresse, dispersion et priorité pour d’autres aspects de leur existence.

Pour aimer quelqu’un, il faut le connaître. Et Jésus nous fait connaître Dieu… pour que nous l’aimions et recevions son amour : « Je vous l’ai fait connaître et je vous le ferai connaître encore » (Jn 17,26)

On pense à Jésus comme à quelqu’un qui prêche le Royaume de Dieu et qui prend soin des gens. Mais il est aussi celui qui fait connaître Dieu, sous le terme générique de « Père ». Saint Jean insiste beaucoup sur cet aspect de la personne du Christ Jésus, du commencement à la fin de son Evangile : dans le prologue on peut lire :

« A tous ceux qui ont reçu le Verbe, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu »

Et à la fin de cet Evangile, devant le tombeau ouvert :

« Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » est-il dit à Marie Madeleine

Ce faisant, Jésus fait de nous ses amis.

Parfois, j’entends tel ou tel se risquer à proposer de l’aide : « qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider Mr le curé, pour vous rendre service»…

...mais en fait, ce que Jésus nous propose est que nous devenions amis.  À nous, membres de cette communauté rassemblée en son nom,  il nous propose d’être des amis, au service de l’Évangile.